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Invalidité et indemnisation des pertes de gains professionnels futurs : quelle articulation ?

L’impossibilité de retrouver un emploi ne peut se déduire du seul classement en invalidité de 2e catégorie par la caisse de sécurité sociale, lequel ne suffit donc pas à justifier l’indemnisation d’une perte totale des gains professionnels futurs.

La victime d’un dommage corporel provoqué par un accident de la circulation a saisi la justice pour obtenir la réparation des divers chefs de préjudices en résultant. La cour d’appel lui a octroyé une indemnisation totale au titre de la perte de ses gains professionnels futurs (PGPF), en se fondant sur la décision de la caisse de sécurité sociale ayant octroyé au demandeur le statut d’invalide de deuxième catégorie.

Autonomie du classement de la caisse

L’article L. 341-4 du code de la sécurité sociale prévoit trois catégories de classement permettant de déterminer le montant des pensions d’invalidité. La deuxième catégorie est celles des « invalides absolument incapables d’exercer une profession quelconque ». Il est tentant d’en déduire qu’une personne faisant l’objet d’un classement en invalidité de deuxième catégorie est inapte à tout emploi et subit nécessairement une perte totale de ses gains professionnels futurs. Tel est le raisonnement retenu par la cour d’appel en l’espèce. L’invalidité de deuxième catégorie serait synonyme d’inaptitude à tout emploi. Si ce raisonnement peut sembler logique, il n’est pourtant pas conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation. Pour les Hauts magistrats, l’invalidité du droit de la sécurité sociale n’est pas l’inaptitude du droit du travail. Cette autonomie a déjà été relevée, tant par la deuxième chambre civile que par la chambre sociale, dans de multiples hypothèses. Ainsi, « l’attribution d’une pension d’invalidité de la deuxième catégorie par un organisme de sécurité sociale n’implique pas que son bénéficiaire soit inapte au travail au sens de l’article L. 351-1 du code du travail, devenu L. 5421-1 du code du travail » (cet article prévoit un revenu de remplacement pour les personnes aptes au travail recherchant un emploi, Civ. 2e, 8 avr. 2010, n° 08-70.464, sur l’évaluation du poste de préjudice de l’incidence professionnelle, Dalloz actualité, 22 avr. 2010, obs. S. Lavric ; RDSS 2010. 574, obs. T. Tauran ; Soc. 22 févr. 2005, n° 03-11.467, sur le versement de l’allocation d’assurance chômage, D. 2005. 735 ; Dr. soc. 2005. 591, obs. P.-Y. Verkindt ). La décision de classement ne permet pas non plus à l’employeur de se dispenser de l’avis d’inaptitude du médecin du travail et du respect des obligations en résultant, telle l’obligation de reclassement (v. not., Soc. 10 oct. 2007, n° 06-43.836 ; 9 juill. 2008, n° 07-41.318, Dalloz actualité, 1er août 2008, obs. B. Ines ; D. 2008. 2229 ; Dr. soc. 2008. 1138, obs. J. Savatier ; JCP S 2008. 1507, obs. P.-Y. Verkindt). Cette position est justifiée par les différences d’objectifs entre ces règles (v. not., T. Tauran, Assurance invalidité : les régimes de sécurité sociale, l’invalide et le juge, RDSS 2008. 1128 ).

Appliquée au cas d’espèce, cette autonomie amène la deuxième chambre civile à juger que « l’attribution d’une pension d’invalidité de la deuxième catégorie, au sens de ce texte, par un organisme de sécurité sociale ne caractérise pas, à elle-seule, l’impossibilité de retrouver un emploi, justifiant l’indemnisation de la perte totale des gains professionnels futurs » (pt 7). Dès lors, « l’impossibilité de [la victime] de retrouver un emploi ne pouvait se déduire de son seul classement en invalidité de deuxième catégorie » (pt 10). Or, si la victime a obtenu ce classement par la caisse de sécurité sociale, il ressort de l’expertise qu’elle conserve une possibilité (certes très restreinte) de travailler. Elle peut prétendre à « un emploi sédentaire avec un fauteuil aménagé », même s’il lui sera impossible d’utiliser sa main gauche pour travailler sur un clavier (pt 13). En admettant une réparation de la perte totale des gains professionnels futurs sur le seul fondement de la décision de classement de la caisse, la cour d’appel a ainsi violé tant l’article précité du code de la sécurité sociale que le principe de réparation intégrale des préjudices. Si la victime doit obtenir la réparation de tout son préjudice, elle ne doit pas obtenir plus. Pour procéder à une indemnisation de la totalité des PGPF, la cour d’appel aurait dû démontrer l’impossibilité concrète de retrouver tout emploi et non simplement la déduire de la décision de la caisse. La critique est d’autant plus importante en l’espèce que,...

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