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Irrecevabilité d’une QPC relative au travail de nuit dans les entreprises de la distribution et du commerce alimentaire

Est irrecevable la question prioritaire interrogeant la constitutionnalité de l’article L. 3122-1 (anc. art. L. 3122-32) du code du travail, qui interdit dans les faits le recours au travail de nuit aux entreprises du secteur de la distribution et du commerce alimentaire, s’agissant de l’ouverture au public de nuit.

La constitutionnalité des restrictions apportées à la liberté d’entreprendre est une pierre d’achoppement où vont entrer en balance plusieurs droits fondamentaux. Il en est ainsi en particulier s’agissant du régime de travail de nuit, à propos duquel le Conseil constitutionnel a pu se prononcer en 2014. Le juge constitutionnel avait en effet considéré alors qu’en prévoyant que le recours au travail de nuit est exceptionnel et doit être justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale, le législateur avait opéré une conciliation suffisamment équilibrée entre la liberté d’entreprendre, découlant de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, et les exigences du Préambule de la Constitution de 1946, notamment sur la protection de la santé et le repos (Cons. const. 4 avr. 2014, n° 2014-374 QPC, Dalloz actualité, 7 avr. 2014, obs. C. Fleuriot ; AJDA 2014. 768 ; D. 2014. 829 ; Dr. soc. 2015. 40, chron. G. Dumortier, A. Lallet, M. Vialettes et P. Florès ; RDT 2014. 484, obs. M. Grévy ; RFDA 2014. 589, chron. A. Roblot-Troizier et G. Tusseau ; RJS 2014. 390, n° 480). S’en était alors suivi une jurisprudence sociale applicative venant décliner le principe esquissé. La chambre sociale de la Cour de cassation avait alors pu considérer que le travail de nuit ne peut pas être le mode d’organisation normal du travail au sein d’une entreprise et ne doit être mis en œuvre que lorsqu’il est indispensable à son fonctionnement, en cohérence avec la lettre du code du travail (pour une illustration autour du commerce de parfumerie, où le travail de nuit n’est pas inhérent à l’activité et où n’était pas démontré qu’il était impossible d’envisager d’autres possibilités d’aménagement du temps de travail, v. Soc. 24 sept. 2014, n° 13-24.851, Dalloz actualité, 26 oct. 2014, obs. W. Fraisse ; RDT 2015. 52, obs. M. Véricel ; RJS 2014. 707, rapp. Mariette ; ibid. 2014. 743, n° 867). Cette jurisprudence a ainsi notamment conduit à une interdiction de facto du recours au travail de nuit aux entreprises du secteur de la distribution et du commerce alimentaire s’agissant de l’ouverture au public de nuit hors ZTI. Or c’est précisément contre cette interprétation qu’une QPC a été formulée et reçue par la chambre sociale de la Cour de cassation qui, à l’occasion d’un arrêt du 21 juin 2023, a conclu à son irrecevabilité.

En l’espèce était en cause un accord relatif au travail de nuit entre 21 heures et 22h30, signé entre les syndicats CFDT et CFE-CGC et certains établissements d’une UES de la grande distribution.

D’autres syndicats non-signataires ont assigné les signataires devant la juridiction civile afin d’obtenir l’annulation de l’accord et l’interdiction, sous astreinte, aux sociétés concernées d’employer des salariés après 21 heures au sein des magasins situés hors zones touristiques internationales (ZTI) qu’elles exploitent.

Le tribunal judiciaire a accueilli la demande et a annulé l’accord litigieux et fait interdiction aux sociétés composant l’UES d’employer, en application de cet accord, des salariés après 21 heures au sein des magasins qu’elles...

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