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Irrégularité de la notification d’un arrêt de cassation : pas de paralysie du délai de saisine de la juridiction de renvoi

Il résulte de la combinaison des articles 625, 631, 634 et 638 du code de procédure civile que la saisine de la juridiction de renvoi ayant pour objet de poursuivre la procédure antérieure ne constitue pas un recours au sens de l’article 680 du code de procédure civile qui, dès lors, n’est pas applicable à l’acte de notification de l’arrêt de cassation.

Au fil des arrêts, la procédure devant les juridictions de renvoi après cassation ne cesse de révéler son originalité. La question au centre de l’arrêt sous commentaire était celle de l’incidence d’une irrégularité de la notification de l’arrêt de cassation sur le cours du délai de deux mois imposé à peine d’irrecevabilité pour former la déclaration de saisine.

En l’espèce, la chronologie des faits s’établit comme suit :

  • la Cour de cassation, par arrêt du 5 décembre 2018, casse et annule partiellement un arrêt de cour d’appel rendu le 24 mai 2017 condamnant un employeur à payer diverses sommes à son salarié et déboutant ce dernier d’autres demandes ;
     
  • l’arrêt de cassation est signifié le 14 mars 2019 au salarié. Cet acte de signification indique que la déclaration de saisine doit être formée dans un délai de deux mois et selon les modalités de la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel de renvoi ;
     
  • la déclaration de saisine du salarié est formée le 29 juillet 2019.

Par arrêt du 16 novembre 2020, la cour d’appel déclare cette déclaration de saisine irrecevable comme tardive et rappelle que cette irrecevabilité confère force de chose jugée au jugement du 12 novembre 2013, en tenant compte du dispositif de l’arrêt du 24 mai 2017, non atteint par la cassation partielle du 5 décembre 2018 (C. pr. civ., art. 1034, al. 2). Le salarié forme un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Il soutient notamment que la signification de l’arrêt de cassation est nulle pour vice de forme en ce qu’elle comporte des mentions erronées. Selon lui, elle aurait dû mentionner les modalités de saisine de la cour d’appel de renvoi selon la procédure sans représentation obligatoire et non avec représentation obligatoire. Pour le salarié, cette nullité a pour conséquence que le délai pour former la déclaration de saisine n’a pu courir. Il conteste les motifs de la cour d’appel niant le grief que lui aurait causé l’irrégularité, en se prévalant d’une violation de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme. Il estime également qu’en application de l’article 680 du code de procédure civile, la cour d’appel aurait dû juger qu’en l’état des mentions erronées sur l’acte de notification du jugement, le délai de la déclaration de saisine n’a pas couru.

La Cour de cassation rejette le pourvoi. Après s’être livrée à un contrôle de conventionnalité classique et in abstracto des articles 1034 et 1035 du code de procédure civile relatifs au délai encadrant la formation de la déclaration de saisine (mettant en valeur leur but légitime « d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure, dans le respect des droits de la défense » et l’absence d’entrave de principe au droit d’accès au juge ou à l’égalité des armes), elle démontre son attachement au raisonnement fondé sur le système des nullités pour vice de forme, soucieuse pour l’heure de s’en tenir à cette sanction.

Par la nullité pour vice de forme

La nullité de la notification pour vice de forme, qui prive l’acte de ses effets (et empêche donc le délai de courir), n’est prononcée qu’aux conditions de l’article 114 du code de procédure civile : l’existence d’une irrégularité (correspondant à un cas de nullité) et la preuve d’un grief par celui qui se prévaut de la nullité. Dans l’arrêt sous commentaire, la Cour de cassation ne nie pas l’existence d’une irrégularité mais approuve la cour d’appel d’avoir retenu l’absence de grief. Reconstituons le raisonnement.

D’abord, la signification de l’arrêt était-elle irrégulière ?

L’article 1035 du code de procédure civile précise que « l’acte de notification de l’arrêt de cassation doit, à peine de nullité, indiquer de manière très apparente le délai mentionné au premier alinéa de l’article 1034 ainsi que les modalités selon lesquelles la juridiction de renvoi peut être saisie ». Ces deux types de mentions figuraient bien sur l’acte de signification, mais le salarié soutenait qu’elles comportaient des erreurs. Derrière cela se cache une problématique de droit transitoire, l’inexactitude des mentions alléguée étant liée à des modifications des textes intervenues au cours du procès.

S’agissant des modalités de saisine, celles-ci dépendent de la soumission de la procédure à la représentation obligatoire. En présence d’une représentation obligatoire, lorsque la juridiction de renvoi est une cour d’appel, la déclaration de saisine doit être remise à la juridiction par voie électronique en application de l’article 930-1 du code de procédure civile (Civ. 2e, 1er déc. 2016, n° 15-25.972 P, Dalloz actualité, 14 déc. 2017, obs. C. Bléry ; D. 2016. 2523 ; ibid. 2017. 422, obs. N. Fricero ; D. avocats 2017. 28, obs. C. Lhermitte ). Lorsque la procédure antérieurement suivie en appel était la procédure ordinaire, la déclaration de saisine doit être signifiée par son auteur aux autres parties à l’instance ayant donné lieu à la cassation dans les dix jours de la notification par le greffe d’un avis de fixation à bref délai (C. pr. civ., art. 1037-1, al. 2), l’auteur n’étant cependant pas tenu de signifier l’exemplaire de la déclaration rematérialisé par le greffe (Civ. 2e, 24 mars 2022, n° 20-12.210 P, Dalloz actualité, 11 avr. 2022, obs. R. Laffly) puisque l’édition d’un récapitulatif par le greffe tenant lieu de déclaration d’appel n’est prévue, au titre de l’arrêté du 20 mai 2020, que pour la déclaration d’appel et non pour la déclaration de saisine. En l’absence de représentation obligatoire, la déclaration est formée au greffe sans avoir à emprunter la voie électronique (C. pr....

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