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Jeu de poker en ligne : compétence dans l’Union

En application du règlement Bruxelles I, une personne physique domiciliée dans un État membre qui, d’une part, a conclu avec une société établie dans un autre État membre un contrat pour jouer au poker sur internet et, d’autre part, n’a ni officiellement déclaré une telle activité ni offert cette activité à des tiers en tant que service payant ne perd pas la qualité de « consommateur », même si elle joue à ce jeu un grand nombre d’heures par jour, possède des connaissances étendues et perçoit des gains importants issus de ce jeu.

par François Mélinle 11 janvier 2021

Si le droit international privé est souvent perçu comme un droit aride et complexe, il permet parfois de se pencher sur des hypothèses inattendues. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 10 décembre 2020 permet ainsi de s’attarder sur le cas d’un litige relatif à un contrat conclu entre une société établie à Malte, proposant des services de jeux en ligne, et une personne physique domiciliée en Slovénie qui jouait au poker sur son site. Le contrat comportait des conditions générales prévoyant une clause attributive de compétence aux juridictions maltaises.

La société ayant retenu une somme qu’il considérait pourtant lui être due, le joueur a saisi un juge en Slovénie, en se prévalant de la qualité de consommateur.

Le débat s’est alors porté sur la détermination du juge compétent, ce qui impliquait de déterminer si le joueur pouvait ou non se prévaloir d’une telle qualité.

Celle-ci ne pouvait pas à l’évidence être écartée par principe mais le profil du joueur était, il est vrai, très spécifique en l’espèce et pouvait soulever des discussions. Celui-ci jouait en effet en moyenne neuf heures par jour ouvrable et vivait de ses gains depuis plusieurs années, ceux-ci s’étant élevés à la somme de 227 000 € du 31 mars 2010 au 10 mai 2011.

Les dispositions applicables étaient celles du règlement Bruxelles I n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, étant toutefois précisé que la portée de l’arrêt du 10 décembre 2020 vaudra également en application du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012.

L’article 16 du règlement Bruxelles I énonce qu’en matière de contrats de consommation, l’action intentée par un consommateur contre l’autre partie au contrat peut être portée soit devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel est domiciliée cette partie, soit devant le tribunal du lieu où le consommateur est domicilié (art. 16). Dans ce cadre, l’article 15, § 1er, retient, en substance, que le consommateur est une personne qui contracte « pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ».

À ce propos, la Cour de justice a déjà jugé que seuls les contrats conclus en dehors et indépendamment de toute activité ou finalité d’ordre professionnel, dans l’unique but de satisfaire aux propres besoins de consommation...

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