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Le jour fixe allégé devant la juridiction de renvoi après cassation

Après cassation, l’instance se poursuit devant la juridiction de renvoi, l’instruction étant reprise devant la cour d’appel de renvoi en l’état de la procédure non atteinte par la cassation. Lorsque l’arrêt cassé a été rendu selon la procédure à jour fixe, le demandeur saisit la cour d’appel de renvoi par une déclaration de saisine, sans avoir à réitérer les formalités relatives à la procédure à jour fixe, et donc sans avoir à assigner les défendeurs avec la requête à jour fixe.

Après cassation d’un arrêt statuant sur l’appel d’un jugement d’orientation en matière de saisie immobilière, le demandeur, la banque, saisit la cour d’appel de renvoi par une déclaration de saisine, et saisit le premier président d’une requête tendant à être autorisé à assigner à jour fixe, à laquelle il est fait droit.

La banque fait alors assigner les défendeurs, en joignant la requête à jour fixe, dans des conditions arguées d’irrégularité par les destinataires des actes.

Ayant relevé que les irrégularités de fond élevées avaient été régularisées, la cour d’appel a déclaré recevable la déclaration de saisine.

Le pourvoi est rejeté, mais par une substitution de motif bienvenue.

La poursuite de l’instance devant la cour d’appel de renvoi

L’arrêt rendu n’est pas d’une grande limpidité, et il n’est pas évident de comprendre ce que signifie cette précision selon laquelle l’instruction est reprise en l’état de la cassation non atteinte par la cassation, ni la référence à l’article 1036, qui pourtant a son importance.

D’une manière générale, qui dit « renvoi de cassation » dit « article 1037-1 du code de procédure civile », et on applique alors à tout renvoi de cassation cette disposition, alors pourtant que son champ est restreint. En effet, il est parfois négligé que l’alinéa 1er précise : « lorsque l’affaire relevait de la procédure ordinaire », et que, dans ce cas, « les dispositions de l’article 1036 ne sont pas applicables ».

La « procédure ordinaire » dont il est question est traitée dans la sous-section 1 de la section première (la procédure avec représentation obligatoire ; art. 901 à 916) du chapitre premier (la procédure en matière contentieuse) du sous-titre premier (la procédure devant la formation collégiale) du titre sixième (dispositions particulières à la cour d’appel). Cette procédure ordinaire, devant la Cour de cassation, est d’une part le circuit ordinaire avec désignation d’un conseiller de la mise en état (appelé habituellement « le circuit ordinaire ») et, d’autre part, le « bref délai » ou « circuit court » qui est en réalité un circuit ordinaire sans désignation d’un conseiller de la mise en état. On oublie parfois que le bref délai ou circuit court est aussi un circuit ordinaire, et traité comme tel sous la même sous-section 1 « la procédure ordinaire ».

Et la procédure à jour fixe est quant à elle traitée sous la sous-section 2 « la procédure à jour fixe », à partir de l’article 917. Bref, la procédure à jour fixe n’est pas une procédure ordinaire, mais une procédure à part entière, tout comme l’est le renvoi de cassation.

Par conséquent, il en résulte que lorsque l’arrêt cassé a été rendu dans une procédure qui n’était pas une procédure ordinaire, alors l’article 1037-1 ne trouve pas à s’appliquer, et l’article 1036 retrouve donc toute sa vigueur. C’est la raison pour laquelle la Cour de cassation a pu viser l’article 1036.

Il résulte de cet arrêt de cassation que l’instance d’appel, devant la cour d’appel de renvoi, restera régie par la procédure à jour fixe. En effet, l’instruction est reprise devant la cour d’appel de renvoi en l’état de la procédure non atteinte par la cassation. L’ordonnance présidentielle ayant autorisé à assigner à jour fixe, et l’entrée de droit en jour fixe s’agissant d’un appel en matière de saisie immobilière (CPCE, art. R. 322-19), n’a pas été atteinte par la cassation.

C’est donc toujours une procédure à jour fixe, sans qu’il y ait lieu à saisir à nouveau le premier président d’une requête pour être autorisé à assigner à jour fixe. Pour cette raison, la Cour de cassation précise que « les formalités relatives à cette procédure n’ont pas à être réitérées », puisque les effets des formalités déjà accomplies demeurent.

Seulement, bien évidemment, l’ordonnance présidentielle dont l’objet était de fixer une date d’audience (Civ. 2e, 15 avr. 2021, n° 19-21.803, Dalloz actualité, 5 mai 2021, obs. G. Payan ; D. 2022. 625, obs. N. Fricero ; ibid. 1331, obs. A. Leborgne ; AJDI 2021. 461 ; Rev. prat. rec. 2021. 3, chron. A.-I. Gregori et C. Simon ) n’est plus d’actualité. Mais cela est sans conséquence sur la nature de l’instance devant la cour d’appel de renvoi.

En conséquence, lorsque la cour d’appel avait été saisie initialement dans le cadre d’un jour fixe, et cela concernera principalement les appels des jugements d’orientation en matière de saisie immobilière (CPCE, art. R. 322-19) et les appels compétence (C. pr. civ., art. 83 s.), le demandeur n’aura pas à saisir à nouveau le premier président d’une requête en autorisation d’assigner à jour fixe.

Cette solution n’était pas si évidente, au regard d’une part de ce qui avait pu constituer la jurisprudence de la Cour de cassation, et au vu d’un article 921 qui précise que la cour d’appel, en jour fixe, est saisie par la remise d’une copie de l’assignation. En effet, appliquant un parallélisme des formes, la Cour de cassation avait pu exiger que la saisine de la cour de renvoi soit faite par assignation, non par déclaration de saisine (Civ. 2e, 14 avr. 2005, n° 03-14.510 P, Bernabé [Sté] c. Crédit lyonnais, D. 2005. 1180 ; AJDI 2005. 591 : Dr. et pr. 2005. 359, obs. Leborgne). On comprend donc que le demandeur ait saisi le premier président d’une requête dans le cadre de la procédure sur renvoi de cassation.

Désormais, nous savons que la cour d’appel est saisie par déclaration de saisine, sans requête au premier président. Pour autant, l’instance restera une procédure à jour fixe.

Et pour la citation, comment ça se passe ?

La Cour de cassation précise que « l’assignation alléguée d’irrégularité ne constituait pas un acte de procédure requis », tout en rappelant l’article 1036 du code de procédure civile aux termes duquel « les parties défaillantes sont citées de la même manière que le sont les défendeurs devant la juridiction dont émane la décision cassée ».

Rappelons d’abord qu’« il y a lieu à nouvelle constitution d’avoué [d’avocat] devant la cour d’appel de renvoi » (Civ. 2e, 6 janv. 2012, n° 09-17.059 P, Habib Bank Ltd [Sté] c. International sport fashion [Sté], D. 2012. 226 ).

Mais de quelle manière les défendeurs, non représentés, sont-ils cités devant la cour d’appel ?

Tout d’abord, alors qu’en jour fixe, les défendeurs sont nécessairement assignés, alors même qu’ils sont par ailleurs représentés par un avocat, une citation devant la cour de renvoi, en jour fixe, ne concernera que les seules parties défaillantes. Cela marque déjà une différence avec la procédure à jour fixe.

Si l’on regarde les règles applicables au circuit ordinaire, avec ou sans désignation d’un conseiller de la mise en état, force est de constater qu’il n’est pas prévu d’assigner les parties défaillantes, l’assignation étant prévue pour les tiers à l’instance d’appel (C. pr. civ., art. 68), au sens large, ce qui englobe les tiers au sens strict, mais également les parties de première instance non intimées.

La Cour de cassation nous a éclairé, récemment, sur ce qui constituait la citation en appel, en circuit ordinaire, en précisant que « la signification de la déclaration d’appel […] valait à elle seule citation de l’intimé défaillant » (Civ. 2e, 24 mars 2022, n° 19-25.033 P, AJ fam. 2022. 243, obs. F. Eudier et D. d’Ambra ).

Soulignons un arrêt de cassation, inédit, ayant retenu, au visa de l’article 1036, qu’« en cas de non-comparution, les parties défaillantes sont, en matière de procédure de saisie immobilière, assignées à comparaître devant la juridiction de renvoi », et qu’en l’espèce, « la banque a signifié ses conclusions ainsi que ses pièces […] par actes d’huissier de justice […] valant assignation à comparaître devant la cour d’appel » (Civ. 2e, 27 juin 2019, n° 18-16.799 NP). L’histoire ne dit toutefois pas si la signification était véritablement une assignation, et quelles mentions étaient contenues.

A priori, l’assignation ne serait pas exigée pour citer devant la cour de renvoi. Néanmoins, il existe un doute, à savoir s’il faut signifier la déclaration d’appel, voire la déclaration de saisine, ou seulement les conclusions, pour que le défendeur défaillant soit regardé comme ayant été régulièrement cité sur ce renvoi de cassation version jour fixe. La jurisprudence ne nous éclaire pas véritablement, et les textes ne le font pas davantage.

Il n’est pas certain que la signification des conclusions puisse être regardée comme valant citation, et ce d’autant que sur renvoi de cassation, l’article 634 du code de procédure civile prévoit que « les parties qui ne formulent pas de moyens nouveaux ou de nouvelles prétentions sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée », de sorte qu’il n’y a pas véritablement obligation de conclure sur renvoi de cassation.

Et cette citation doit-elle contenir certaines mentions ? Après l’éventuel rappel de l’obligation de constituer avocat – ou défenseur syndical en matière prud’homale –, la partie ne pourrait se contenter de préciser, comme le prévoit l’article 56, que « faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire », alors qu’aux termes de l’article 634, les parties qui ne comparaissent pas sont réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles avaient soumis à la juridiction dont la décision a été cassée.

En définitive, avec cet arrêt, la Cour de cassation nous laisse avec de sérieuses questions. Dans ces conditions, et s’il fallait donner un conseil, pour les procédures avec représentation obligatoire ne relevant pas des dispositions de l’article 1037-1, ce serait de signifier au défendeur défaillant un acte d’assignation, en y joignant la déclaration d’appel, la déclaration de saisine et le cas échéant les conclusions sur renvoi de cassation.