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Le juge de l’exécution, la protection du domaine public et les espèces protégées

Dans un arrêt qui sera mentionné aux tables du Recueil Lebon, le Conseil d’État élargit et précise l’office du juge de l’exécution saisi d’une requête en liquidation d’une astreinte provisoire et juge que le moyen tiré de ce que la remise en état du domaine public maritime serait susceptible de porter atteinte à une espèce protégée est un moyen opérant, devant faire l’objet d’un examen circonstancié dont il précise la méthode.

Au tournant des années 1970, le propriétaire d’une villa située en bord de mer avait fait édifier un quai en béton d’une superficie d’environ 200 m² sur le domaine public maritime. Plus de quarante après les faits, et alors qu’ils n’avaient fait qu’hériter de la propriété, les nouveaux propriétaires ont été verbalisés en raison de cette construction illégale, en qualité de gardiens de l’ouvrage.

Par la suite, le Tribunal administratif de Bastia, dans un premier jugement, avait condamné les propriétaires à une amende pour contravention de grande voirie, dans un second jugement, avait condamné les propriétaires à la remise en état du domaine public maritime (démolition du quai et d’installations présentes sur le quai) dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement et passé ce délai, sous astreinte de 500 € par jour de retard.

Sur la base de cette décision, le préfet de la Corse du Sud avait sollicité du même tribunal la liquidation de l’astreinte à hauteur de plus de 800 000 €, en raison de l’inexécution du jugement ordonnant la remise en état, mais sa requête avait été rejetée.

Saisie en appel, la Cour administrative d’appel de Marseille avait fait droit à la demande du ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires en liquidant l’astreinte provisoire.

Néanmoins, la cour avait fait usage de son pouvoir de modulation en réduisant l’astreinte à 80 € par jour de retard ; pour ce faire, si elle avait jugé comme inopérants le moyen tiré de ce que les propriétaires n’étaient pas à l’origine de la construction du quai et le moyen tiré de ce que la présence d’espèces protégées (la datte de mer, Litophaga lithophaga) sur le fondement du point a) de l’annexe IV de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 rendait impossible la remise en état, elle avait en revanche accepté de prendre en considération le fait que les contrevenants avaient commencé à exécuter la décision en supprimant les éléments implantés sur le quai.

Saisi d’un pourvoi formé par les contrevenants, le Conseil d’État par sa décision du 19 décembre 2024, a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille au motif « qu’en regardant comme inopérant, dans le cadre du litige portant sur la liquidation de l’astreinte dont elle était saisie, le moyen tiré de ce que l’exécution du jugement du 14 avril 2016 serait susceptible de menacer la datte de mer, espèce protégée, alors qu’il lui revenait d’apprécier la réalité de la difficulté d’exécution ainsi invoquée et, le cas échéant, de préciser les conditions d’exécution de la démolition ordonnée et les diligences pouvant être accomplies à cette fin par les parties, en évaluant la possibilité éventuelle pour l’autorité administrative d’accorder une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées sur le fondement de l’article L. 411-2 du code de l’environnement, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ».

La protection du domaine public et la liquidation de l’astreinte par le juge de l’exécution

Le régime de l’astreinte prononcée par le juge administratif à l’encontre du contrevenant occupant illégalement le domaine public ne se confond pas avec celui de l’astreinte que le juge est susceptible de prononcer à l’encontre de l’administration sur le fondement des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative (CE 15 oct. 2014, Voies...

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