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Le juge des référés, par-delà l’évidence

En référé, le caractère manifestement illicite du trouble n’est pas établi lorsqu’un doute sérieux existe quant au droit revendiqué par le demandeur. L’existence d’un acte notarié constatant une usucapion est insuffisante pour établir celle-ci et il appartient à la personne qui revendique un droit de propriété d’en rapporter la preuve en établissant des actes matériels de possession. Il en résulte que la seule production d’un acte notarié constatant une usucapion est insuffisante pour que le juge des référés retienne l’existence d’un trouble manifestement illicite et prenne des mesures conservatoires ou de remise en état destinées à mettre fin à la violation du droit de propriété.

Par cet arrêt rendu en section et publié au Bulletin, la troisième chambre civile se prononce sur les contours de l’appréciation du trouble manifestement illicite, lorsque le demandeur en référé se prévaut de la prescription acquisitive pour fonder une demande d’expulsion d’un terrain dont il s’estime propriétaire.

Monsieur L., invoquant l’existence d’un trouble manifestement illicite tiré de la violation de son droit de propriété sur une parcelle de terrain occupée par Monsieur Z. et Madame X. N., sollicite du juge des référés leur expulsion sous astreinte sur le fondement de l’article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française (dont la rédaction est similaire à celle de l’art. 835, al. 1er, c. pr. civ., à ceci près qu’elle ne précise pas que les mesures conservatoires ou de remise en état peuvent être prescrites même en présence d’une contestation sérieuse).

Monsieur L. dit tenir ses droits d’un acte de partage notarié attribuant le terrain litigieux à sa mère, aujourd’hui décédée, lequel mentionne une occupation dudit terrain depuis l’an 1910.

La Cour d’appel de Papeete, confirmant l’ordonnance du premier juge, fait droit à la demande d’expulsion, considérant que l’acte de partage en la forme notariée vaut jusqu’à inscription de faux et conserve tous ses effets probants, en dépit de contestations relatives à sa validité. 

Madame X. N. forme un pourvoi, faisant grief à l’arrêt d’ordonner son expulsion alors « que le trouble manifestement illicite justifiant la prescription de mesures en référé n’est pas caractérisé lorsque le droit de propriété d’un bien prétendument violé est justifié par un acte notarié constatant une usucapion ce qui n’établit pas avec certitude un tel droit » et « qu’en se bornant, pour retenir l’existence du trouble manifestement illicite et ordonner l’expulsion […], à se fonder sur l’acte de partage en la forme notariée, produit aux débats par Monsieur L., et à énoncer qu’il vaut jusqu’à inscription de faux, sans rechercher, comme il le lui était pourtant demandé, si dès lors que l’acte de partage dressé par le notaire ne faisait que constater une propriété par usucapion il ne pouvait pas constituer une preuve suffisante du droit de propriété, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 432 du code de procédure civile de Polynésie française ».

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel pour défaut de base légale au visa de l’article 432 du code de procédure civile de la Polynésie française et, ajoutant au moyen, de l’article 2229 du code civil. Elle rappelle, d’une part, que « le caractère manifestement illicite du trouble n’est pas établi lorsqu’un doute sérieux existe quant au droit revendiqué par le demandeur » (§ 5) et, d’autre part, que « l’existence d’un acte notarié constatant une usucapion est insuffisante pour établir celle-ci » et qu’« il appartient à la personne qui...

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