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Le juge et l’instance prud’homale en cours lors de l’ouverture d’une procédure collective

Les instances prud’homales en cours à la date du jugement d’ouverture d’une procédure collective bénéficient d’un traitement différent des autres instances en cours. En effet, faute d’interruption, ces dernières sont poursuivies en présence des organes de la procédure ou ceux-ci dûment appelés. Par conséquent, le juge saisi d’une demande en paiement d’une créance salariale avant le jugement d’ouverture doit, après celui-ci, se prononcer d’office sur l’existence et le montant des créances alléguées. Il ne peut donc pas déclarer la demande irrecevable sous prétexte qu’elle ne tendrait pas à la fixation de la créance au passif.

En règle générale, l’ouverture d’une procédure collective déclenche l’application d’un certain nombre de règles contraignantes pour les créanciers de l’entreprise en difficulté. Parmi ces dernières, nous retrouvons celles gouvernant le régime des instances en cours à l’ouverture de la procédure collective. S’il fallait résumer ce corps de règles, nous pourrions dire qu’il s’agit de faire en sorte que la reprise de l’instance – interrompue en raison du jugement d’ouverture – respecte les exigences du droit des entreprises en difficulté. Ainsi, la reprise de l’instance en cours est-elle subordonnée à la réunion de deux conditions : le créancier doit déclarer sa créance à la procédure collective et mettre en cause les organes de la procédure (C. com., art. L. 622-22 et R. 622-20). Déjà source d’un abondant contentieux (v. dernièrement Com. 20 oct. 2021, n° 20-13.829 P, Dalloz actualité, 17 nov. 2021, obs. B. Ferrari ; D. 2021. 1917 ), ce principe général connaît, de surcroît, une exception importante : les instances prud’homales en cours au jour du jugement d’ouverture ne sont pas interrompues, mais sont « simplement » poursuivies après la mise en cause des organes de la procédure (C. com., art. L. 625-3).

L’arrêt ici rapporté conduit à s’interroger sur la portée de cette dernière règle et plus particulièrement sur le rôle du juge face à une instance prud’homale en cours au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective.

En l’espèce, un salarié d’une société – licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement – saisit la juridiction prud’homale aux fins de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur. Le conseil de prud’hommes accède à sa demande, le 1er septembre 2017, et condamne la société à verser au salarié diverses sommes au titre de la rupture. L’employeur interjette appel de cette décision le 6 octobre 2017, mais fait l’objet, un mois plus tard, le 9 novembre 2017, de l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire.

Estimant tirer la juste conséquence de l’ouverture de la procédure collective, la cour d’appel déclare les demandes en paiement du salarié irrecevables. Pour les juges du fond, le prononcé de la liquidation judiciaire imposait au salarié de réclamer la fixation de sa créance au passif, à l’exclusion de toute condamnation visant la personne morale.

Le salarié forme un pourvoi en cassation et la haute juridiction casse et annule l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 625-3 du...

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