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Justice : l’heure des comptes

Chaque année, la Cour des comptes publie des notes d’analyse sur les différentes missions du budget de l’année précédente. L’occasion de revenir sur l’évolution des budgets et des principaux indicateurs des justices judiciaires et administratives et de voir l’impact de certaines réformes.

par Pierre Januelle 23 mai 2019

Justice judiciaire : budget et délais de jugement en hausse

Les crédits de paiement de la mission justice s’élevaient en 2018 à près de 8,7 milliards, soit une hausse de 2,1 % (après une hausse de 4,2 % en 2017). L’an dernier, cette mission a bénéficié de 1 136 emplois supplémentaires (soit plus qu’à l’annonce du budget 2018), notamment pour l’administration pénitentiaire (+ 873 ETPT). Pour la justice judiciaire, le nombre total de magistrats en activité passe de 8 087 à 8 363 (du fait de l’affectation des auditeurs recrutés en 2016).

Les frais de justice continuent leur progression. La dépense réalisée (528 M€) dépasse de 50 millions les prévisions : fin août, l’intégralité de la dotation avait été consommée. Des pistes d’économies sont expérimentées (recrutement d’interprètes contractuels, gestion régionalisée des scellés). Les cotisations dues aux collaborateurs occasionnels du service public sont estimées entre 67 et 96 millions d’euros, des discussions étant en cours avec les représentants des professions concernées.

Les crédits affectés à l’aide juridictionnelle ont encore augmenté de 33 millions, passant à 465 millions d’euros. Autre enjeu majeur : le plan de transformation numérique. L’informatique a représenté 96 M€ (+ 33 %), avec 50 emplois créés.

Toutefois, malgré les efforts budgétaires la Cour note la dégradation des délais de jugement au civil : cette hausse est de 70 % en six ans pour les tribunaux de grande instance, où il faut plus d’un an pour juger une affaire. Une hausse qui touche la plupart des juridictions civiles. Deux exceptions, où les délais baissent légèrement du fait d’une baisse de nouvelles affaires : les conseils de prud’hommes, où sous l’effet des réformes successives (ordonnances travail), le nombre d’affaires nouvelles a encore diminué de 6 % en 2018, pour atteindre 120 000. Et la Cour de cassation, qui a enregistré une diminution de 24 % du nombre de pourvois en matière civile.

Au pénal, on constate une stagnation. Il faut quarante mois pour juger un crime en première instance, douze mois pour un délit. Mais le nombre de jugements rendus pour les délits diminue fortement (- 27 % entre 2005 et 2017) au profit des procédures simplifiées. Enfin, malgré les discours volontaristes, le taux de personnes sous écrou bénéficiant d’un aménagement de peine reste stable à 21 % depuis cinq ans.

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Justice administrative : les procédures asile en souffrance

En 2018, le programme Justice administrative (distinct de la mission Justice) s’élevait à 404,2 millions en crédits de paiement soit une hausse de 4,2 % par rapport à 2017 (+ 9 % au total depuis 2014).

La Cour des comptes note que la juridiction administrative s’inscrit depuis plusieurs années dans une logique de performance, avec un renforcement du dialogue de gestion avec les présidents des tribunaux administratifs. Elle souligne « la professionnalisation progressive de l’achat public qui s’appuie sur un bureau des marchés centralisé ». L’application Télérecours pour les avocats et les administrations a permis de faire baisser les frais d’affranchissement de 37 % (Télérecours citoyens a été ouvert fin 2018).

Le nombre d’affaires nouvelles devant la justice administrative augmente de 8 %, sous l’effet de l’augmentation de mesures contraignantes vis-à-vis des étrangers : le taux d’occupation des CRA de métropole est passé de 71 % à 79 % en 2018 et le nombre d’assignations à résidence a presque doublé (18 302). Le nombre d’éloignements forcés a lui augmenté de 10 %.

Toutefois, les délais restent stables, sauf pour la Cour nationale du droit d’asile. Après une hausse spectaculaire en 2017 (+ 34 %), le nombre de recours enregistrés à la CNDA continue d’augmenter en 2018 (+ 9,5 %), pour atteindre 58 671. Conséquence, malgré 102 créations de postes, les délais de jugements augmentent. Fin 2018, le délai moyen constaté est de huit mois et quatre jours pour les procédures à « cinq mois » et de quatre mois et onze jours pour les « procédures accélérées ». Ces dernières représentent 43 % des décisions rendue (16,5 % en 2016).