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« Justice morte » : les professionnels de justice réclament un moratoire sur la réforme

Avocats, magistrats et greffiers étaient en grève le 15 janvier sur tout le territoire. À Paris, un cortège de 8 000 personnes – chiffre annoncé par le Conseil national des barreaux – a défilé de la place Saint-Michel aux Invalides.

par Thomas Coustetle 16 janvier 2019

Le temps des « chantiers de la justice » et de la concertation policée est déjà loin (v. Dalloz actualité, 12 mars 2018, art. T. Coustet isset(node/189579) ? node/189579 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>189579). C’est en effet le 15 janvier, jour où le texte revient en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, que les professionnels de justice ont choisi pour manifester leur désaccord. Et les positions de chaque côté de la partition paraissent désormais irréconciliables. 

« Non, nous n’assistons pas à la déshumanisation de la justice, comme on voudrait nous le faire croire »

Du côté de l’Assemblée nationale, la majorité parlementaire a dit ne pas comprendre les raisons du courroux qui s’exprime à quelques centaines de mètres. Dans l’hémicycle, Nicole Belloubet, ministre de la justice, Laetitia Avia et Didier Paris, députés corapporteurs du texte, le promettent d’une seule voix. « Il n’y a pas de loup, pas d’agenda caché », déclare Laetitia Avia. Didier Paris a l’impression « qu’on ne parle pas du même texte » quand il « entend les critiques ». Au contraire, il soutient une « évolution des méthodes au profit des nouvelles formes de criminalité ». Nicole Belloubet se défend de toute « approximation, tâtonnement ou bricolage », en réponse aux critiques lancées quelques minutes plus tôt par le député Ugo Bernalicis (FI). « Non, nous n’assistons pas à la déshumanisation de la justice, comme on voudrait nous le faire croire », s’est-elle agacée.

Dehors, et un peu partout sur le territoire, les acteurs du monde judiciaire ont manifesté une nouvelle fois leur désaccord (v. déjà, Dalloz actualité, 13 déc. 2018, art. T. Coustet isset(node/193599) ? node/193599 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>193599). À Paris, la mobilisation s’est exprimée de la place Saint-Michel aux Invalides. De nombreux barreaux ont fait le déplacement. Notamment Bonneville, Nantes, Roanne, Poitiers, Chambéry, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Besançon, Bordeaux, Libourne, Marseille, Toulon, Angers, Blois, Agen, Chartres, Dieppe, Rouen, Le Havre, Lille, Grasse ou encore Bayonne.

« L’avenir de la justice mérite des États généraux »

Tous souhaitent un retrait du texte et la tenue d’un moratoire à l’heure du lancement du grand débat national. « L’avenir de la justice mérite des États généraux », plaide au gigaphone Laurence Roques, présidente du syndicat des avocats de France (SAF). Le Conseil national des barreaux (CNB) a lancé une pétition avant les fêtes. Un peu plus de 26 000 personnes l’ont signée.

Ce vœu est porté, entre autres, par la bâtonnière de Paris, Me Marie-Aymé Peyron. « Il n’y a strictement aucune raison que, dans le cadre du grand débat national, il soit question de justice sociale, de justice fiscale et pas de justice tout court ! », a-t-elle asséné ce mardi.

Dans un communiqué commun, l’intersyndicale dénonce « une course aveugle à la productivité et aux économies d’échelle ». « Nous avons le sentiment que principes et valeurs volent en éclat. […] Les Français réclament plus de justice et pourtant celle-ci n’est pas à l’ordre du jour du grand débat national. Nous considérons que c’est une erreur majeure lourde de conséquences », a déclaré Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB, lors de ses vœux à la presse lundi.

Sur le fond, les critiques sont connues. Fusion des tribunaux d’instance et de grande instance, spécialisation des cours d’appel avec expérimentation auprès de cinq cours d’appel, abaissement des droits des gardés à vue, traitement des litiges en ligne par des plateformes numériques, ou encore réforme de la justice des mineurs par ordonnance (v. déjà, Dalloz actualité, 13 déc. 2018, art. préc.).

En fin de journée, les députés ont rejeté les motions de rejet ou de renvoi déposées par l’opposition. L’examen du texte va se poursuivre en séance publique jusqu’au 21 janvier prochain.