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Justice : à quoi servira l’augmentation du budget ?

Dalloz actualité a épluché le document budgétaire de la mission justice. La forte augmentation pour 2023 (+ 7,7 %, soit plus 26 % en trois ans), permettra de recruter et de financer plusieurs mesures catégorielles pour la justice. Les crédits bénéficieront aussi à la pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse. Des premières réformes issues des États généraux (tribunal du travail, AJ, dépens) sont également annoncées.

par Pierre Januel, Journalistele 11 octobre 2022

Pour la justice : recrutements et mesure catégorielles

L’an prochain, les crédits du programme justice judiciaire augmenteront de 7,8 %. Selon le document budgétaire, cette hausse importante devrait se poursuivre en 2024 (+ 9 %) et 2025 (+ 5,2 %). La future loi de programmation de la justice devrait préciser cette trajectoire.

En 2023, 200 emplois de magistrats seront créés, ainsi que 575 personnels d’encadrement (qui incluent les juristes assistants et assistants spécialisés), 191 greffiers, 210 catégories B et 44 catégories C. Par ailleurs, un amendement en loi de finances rectificative devraient rehausser le plafond d’emplois 2022 de 695 postes, afin de pérenniser dès fin 2022, 605 contrats temporaires recrutés en 2021 (500 pour la justice civile, 105 pour la lutte contre les violences intra-familiales) et de financer 90 emplois dédiés à la généralisation de l’intermédiation des pensions alimentaires.

Le budget 2023 est également marqué par d’importantes mesures catégorielles. Pour les magistrats, une revalorisation est prévue pour le 1er octobre 2023 (Dalloz actualité, 14 sept. 2022, obs. P. Januel) : 20,9 millions d’euros iront dans la revalorisation des primes forfaitaires, 7 millions dans les primes modulables et 1,3 million dans la revalorisation des stagiaires pour aligner le traitement des élèves de l’ENM avec celui des élèves de l’institut national du service public. Le coût en année pleine de ces mesures sera de 116,8 millions d’euros. Le document budgétaire indique aussi que « la finalisation des tables de pondération des fonctions de magistrat du siège et du parquet devrait intervenir dans le courant de l’année 2023 avant que ne soient initiés les premiers travaux sur les fonctions judiciaires en cour d’appel ».

Pour les greffiers (Dalloz actualité, 28 sept. 2022, obs. P. Januel), 14,8 millions d’euros de mesures nouvelles sont mises en place : 5 millions dans la revalorisation des indemnités, 5 millions dans la revalorisation du complément indemnitaire annuel, 1,75 million dans le régime indiciaire (au 1er oct. 2023) et 3 millions dans des mesures spécifiques. Le coût en année pleine de ces mesures est 27,5 millions d’euros. Le gouvernement rappelle également l’effet « année pleine » de la mesure de convergence indemnitaire concernant les personnels de greffe décidée en 2022 (8,8 millions d’euros). La « création d’un statut d’emplois de direction du ministère de la Justice » devrait également coûter un million d’euros.

La mise en œuvre des États généraux

Le ministère anticipe une hausse mesurée des frais de justice (+ 12 millions, à 660 millions), qui permettront de revaloriser certains tarifs d’experts. Les recrutements se poursuivront dans les années suivantes, obligeant les écoles à s’adapter. Après 450 élèves magistrats dès 2023, l’ENM anticipe plus de 600 élèves dans les années suivantes.

2023 sera aussi l’année de mise en place des État généraux. Parmi les thèmes « susceptibles de donner lieu à des discussions et de probables réalisations en 2023 », le directeur des services judiciaires Paul Huber cite trois propositions : d’abord, l’idée de confier le pilotage budgétaire et administratif des juridictions au niveau de nouvelles régions judiciaires alignées sur la carte des régions administratives. Ensuite, celle de rattacher le « tribunal du travail » au tribunal judiciaire, sur les plans administratif, organisationnel et budgétaire, sans modification de son fonctionnement paritaire. Enfin, la systématisation d’une équipe de collaborateurs autour du juge, « notamment en recentrant les missions du greffier sur l’assistance procédurale et l’accompagnement du justiciable et en étendant leurs compétences dans la prise en charge de la mise en état des procédures ».

Les dépenses informatiques continuent d’être importantes, un second plan de transformation numérique étant mis en place pour la période 2023-2027. Mais, sur ce sujet, les annonces ont parfois été suivies de déceptions. Le ministre a aussi annoncé aux députés qu’une centaine de contractuels seront déployés dans les juridictions sur l’assistance au numérique.

Le rapport fait également une transparence sur les écoutes judiciaires : en 2021, 50 143 interceptions judiciaires et 2,9 millions de réquisitions électroniques ont été effectuées.

Un amendement sur l’aide juridictionnelle

Pour l’aide juridictionnelle, le ministère anticipe une augmentation de 4,2 % des crédits. Par ailleurs, le gouvernement a déposé vendredi un amendement en loi de finances pour faciliter le recouvrement a posteriori de sommes engagées au bénéfice de justiciables non-éligibles. Le gouvernement prévoit aussi une « réforme de la condamnation aux dépens avec l’instauration de forfaits ».

L’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse

Les crédits de l’administration pénitentiaire vont augmenter de 7,5 % en 2023. 809 emplois seront créés, dont plus de la moitié pour les 2 000 nouvelles places de prison. Le ministère prévoit la livraison de dix établissements : les centres pénitentiaires de Caen-Ifs et de Troyes-Lavau, le centre de détention de Fleury-Mérogis et 7 structures d’accompagnement vers la sortie (Le Mans, Caen, Osny, Meaux, Avignon, Valence, et Noisy-le-Grand). De nouvelles unités pour détenus violents seront ouvertes l’an prochain à Lyon-Corbas et Condé-sur-Sarthe.

L’un des projets importants est le numérique en détention : après une expérimentation à Fresnes fin 2022, les personnels de surveillance seront progressivement dotés d’un smartphone leur permettant d’assurer différents types de communication. Autres changements : les caméras-piétons seront généralisées à partir de 2023 et des médiateurs du fait religieux seront recrutés.

Des crédits sont prévus pour les alternatives à l’incarcération. Le ministère prévoit qu’en 2023 la capacité opérationnelle de 21 000 mesures de surveillance électronique sera atteinte. Les crédits du bracelet anti-rapprochement passent de 4,7 à 11,5 millions d’euros, ceux du placement à l’extérieur de 8,3 à 13,9 millions d’euros (ce qui permettra de revaloriser le prix journée de 10 €). Reste que le taux de détenus bénéficiant d’une cellule individuelle stagne à 43 %, et l’administration n’anticipe pas d’amélioration. L’objectif de l’encellulement individuel pour fin 2022, prévu par la loi Belloubet semble quasiment abandonné (Dalloz actualité, 21 janv. 2022, obs. P. Januel).

Les crédits de la PJJ augmentent également fortement (+ 10,4 %). Le ministère attend l’ouverture en en 2023 de deux centres éducatifs fermés en Ariège et en Guyane et deux centres éducatifs renforcés dans le Cantal et en Charente-Maritime.