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L’absence d’évidence et le trouble manifestement illicite
L’absence d’évidence et le trouble manifestement illicite
Le juge des référés peut ordonner une mesure afin de mettre fin à un trouble manifestement illicite même en présence d’une contestation sérieuse. L’absence d’évidence de l’illicéité du trouble peut justifier qu’il refuse d’intervenir indique la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt commenté. Cet arrêt ne doit cependant pas occulter la difficulté qui existe à délimiter l’office du juge des référés saisi pour mettre fin à un trouble manifestement illicite…
par Nicolas Hoffschir, Maître de conférences à l'Université d'Orléansle 29 mars 2022
Le juge des référés peut-il refuser d’ordonner une mesure afin de faire cesser un trouble manifestement illicite lorsqu’il relève l’existence d’une contestation sérieuse ?
Telle est la question à laquelle a dû répondre la Cour de cassation le 3 mars 2022 dans un arrêt promis aux honneurs de la publication.
Il faut dire que les termes de l’article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 (même si la réforme n’en a pas modifié la teneur), ne sont pas limpides : « Le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite », énonce le texte. L’absence de contestation sérieuse est ainsi exclue, mais le trouble doit néanmoins être « manifestement illicite » ; d’où une hésitation (sérieuse) sur la place que doit occuper l’évidence dans l’office du juge.
C’est précisément cette difficulté qui est mise en lumière par l’arrêt commenté. À la base de l’affaire se trouvait une relation commerciale entre un établissement agricole et une coopérative : la première s’était engagée à livrer l’intégralité de sa production à la seconde, qui avait conclu des contrats de partenariat avec un fournisseur de denrées alimentaires destinées aux animaux d’élevage et une société d’abattage. Mais voilà qu’en raison de la dangerosité du chemin d’accès à l’établissement agricole, les sociétés partenaires ont mis un terme à leurs interventions. L’établissement agricole, placé entre-temps en redressement judiciaire, ne pouvait plus écouler sa production et a donc assigné la coopérative à comparaître devant un juge des référés. Le juge des référés a constaté l’existence d’un trouble manifestement illicite et a condamné la coopérative à verser une provision et à poursuivre sous astreinte les relations commerciales aux conditions et volumes habituels.
La cour d’appel n’a cependant pas partagé cette manière de voir les choses et a infirmé la décision rendue par le juge des référés. Pour justifier sa décision, la cour a notamment souligné que la coopérative n’était tenue que d’une obligation de moyens, qu’un arrêté avait interdit la circulation des véhicules de plus de 3,5 tonnes sur le chemin d’accès vers l’exploitation et que l’interprétation des obligations contractuelles mises à la charge de chacun justifiait qu’un débat s’instaure devant un juge du fond. Sans le dire, les juges estimaient que l’illicéité de trouble n’était pas évidente. L’établissement agricole a donc formé un pourvoi en cassation pour reprocher à la cour d’appel d’avoir pris acte de l’existence d’une contestation sérieuse pour refuser de mettre fin au trouble manifestement illicite, alors que le texte de l’article 809 du code de procédure civile indiquait bien que...
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