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L’acquittement par le Tribunal pénal international ne s’impose pas au juge de l’asile

Le juge de l’asile n’est pas lié par l’autorité de chose jugée s’attachant aux motifs d’un jugement définitif d’acquittement rendu par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis.

par Emmanuelle Maupinle 11 mars 2019

L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) avait refusé, en 1999, d’accorder à M. A…, ressortissant rwandais d’origine hutue, la qualité de réfugié au motif qu’il entrait dans le champ de la clause d’exclusion prévue par le a) du F de l’article 1er de la convention de Genève. Saisie par M. A…, la commission des recours des réfugiés avait prononcé un non-lieu à statuer, le requérant étant poursuivi devant le TPIR pour crime contre l’humanité. Le Tribunal l’ayant acquitté, en 2014, celui-ci a demandé à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) d’examiner son recours. La CNDA a approuvé la décision de l’OFPRA de 1999 et M. A… s’est pourvu en cassation.

Le Conseil d’État a déjà jugé que « l’autorité de chose jugée par une juridiction pénale française ne s’impose au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait qu’elle a retenues et qui sont le support nécessaire du dispositif d’un jugement qu’elle a rendu et qui est devenu définitif, tandis que la même autorité ne saurait s’attacher aux motifs d’un jugement de relaxe ou d’acquittement tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité » (v., not., CE 12 oct. 2018, n° 408567, Super Coiffeur [Sté], Dalloz actualité, 17 oct. 2018, obs. J.-M. Pastor ; AJDA 2018. 2390 , chron. C. Nicolas et Y. Faure ; RFDA 2018. 1161, concl. C. Touboul ). Selon lui, « ces principes s’attachent également aux décisions juridictionnelles rendues par les tribunaux pénaux internationaux créés par le Conseil de sécurité des Nations unies ».

En outre, poursuit-il, « il ressort des termes mêmes du F de l’article 1er de la convention de Genève que les clauses d’exclusion peuvent être mises en œuvre dès lors qu’il existe “des raisons sérieuses de penser” que le demandeur d’asile a commis un ou plusieurs des crimes qui y sont mentionnés, l’application de ces stipulations n’exigeant pas l’existence d’une preuve ou d’une conviction au-delà de tout doute raisonnable et faisant obstacle à l’application de la règle pénale de la présomption d’innocence ».

Ainsi, la CNDA n’a pas méconnu l’autorité de chose jugée s’attachant à l’arrêt du TPIR prononçant l’acquittement de M. A… au motif que les faits pour lesquels il était poursuivi n’étaient pas établis, en jugeant qu’il existait des raisons sérieuses de penser qu’il s’était rendu coupable des crimes mentionnés au a) du F de l’article 1er.