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L’action de groupe entre dans une nouvelle ère : la réforme tant attendue est promulguée (Partie 1)

L’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite « DDADUE », instaure une nouvelle procédure d’action de groupe en droit français, en transposant la directive (UE) 2020/1828 du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives. La réforme instaure un régime unifié de l’action de groupe. Elle élargit ainsi son champ d’application, supprime les régimes sectoriels antérieurs, étend les préjudices indemnisables ainsi que les entités habilitées à agir. Elle autorise également le recours au financement par des tiers. Le déroulement procédural, les effets de l’action de groupe et les règles de droit transitoire seront examinés dans une seconde partie.  

Inspirée du modèle anglo-saxon des class actions, l’action de groupe permet à plusieurs personnes, victimes d’un même dommage causé par un même auteur, d’agir collectivement en justice. Cette procédure a connu une reconnaissance tardive en droit français, puisqu’elle n’a été introduite qu’avec la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon ». Elle poursuivait une double ambition : d’une part, renforcer l’accès à la justice pour les consommateurs ; d’autre part, dissuader les comportements fautifs des professionnels.

Cependant, le législateur a conçu cette procédure de manière restrictive. D’une part, s’agissant de la qualité pour agir, seules les associations de consommateurs agréées et représentatives au niveau national étaient habilitées à introduire une action de groupe. D’autre part, le champ d’application initial était limité aux préjudices patrimoniaux survenus à l’occasion de la vente de biens, de la fourniture de services ou résultants de pratiques anticoncurrentielles (C. consom., anc. art. L. 623-1).

Malgré cette tentative infructueuse en matière de consommation, le législateur a progressivement étendu le mécanisme de l’action de groupe à d’autres domaines : la santé, la lutte contre les discriminations, la protection des données personnelles, la location de biens et l’environnement. Toutefois, la coexistence de régimes sectoriels a rapidement révélé ses limites (L. Cadiet, Action de groupe : cela marchera-t-il mieux ?, Procédures 2020. Repère 8). C’est dans ce contexte qu’est intervenue la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, pour poser les fondations d’un régime commun aux actions de groupe, tout en étendant le mécanisme au droit administratif. Le décret n° 2017-888 du 6 mai 2017 est venu préciser ce cadre en insérant des dispositions spécifiques tant dans le code de justice administrative que dans le code de procédure civile. Toutefois, les actions de groupe en matière de consommation ont été expressément exclues du socle commun et demeuraient pourvues de leur propre régime.

Le 10 juillet 2019, la commission des lois de l’Assemblée nationale instaura une mission d’information chargée d’évaluer l’efficacité et l’attractivité de l’action de groupe. Les députés Laurence Vichnievsky et Philippe Gosselin ont souligné le faible recours à cette procédure. À titre d’illustration vingt et une actions de groupe avaient été recensées à l’issue de l’année 2020. La transposition de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020, relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs – dont la date limite de transposition était fixée au 25 novembre 2022 – a constitué le catalyseur d’une éventuelle réforme. Si ce texte européen n’impose pas de modifications substantielles en droit interne, il a néanmoins offert l’opportunité de repenser les contours du régime applicable à l’action de groupe (C. Chainais, L. Mayer, S. Guinchard et F. Ferrand, Procédure civile, 37e éd., Dalloz, 2024, spéc. p. 1708, n° 2129 ; L. Usunier, L’action de groupe à la française fait peau neuve, D. 2023. 1064 ).

La réforme tant attendue de l’action de groupe a finalement été consacrée par l’article 16 de la loi n° 2025-391 du 30 avril 2025, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique, financière, environnementale, énergétique, de transport, de santé et de circulation des personnes, dite « loi DDADUE ». Il a été décidé que le nouveau régime ne serait intégré ni dans le code civil ni dans le code de procédure civile. Le législateur a ainsi choisi de maintenir le régime unifié de l’action de groupe dans une loi non codifiée (L. Bloch, Vers une réforme de l’action de groupe, RCA 2023. Repère 4).

Si la réforme opérée consiste, pour partie, en une reprise des règles existantes, il y a des évolutions, à l’instar de la suppression de la procédure simplifiée ou de la création d’une sanction civile. Mentionnons qu’un bilan de la « nouvelle » action de groupe devra être adressé au Parlement par le gouvernement dans un délai de quatre ans à compter de la promulgation pour y apporter des mesures complémentaires ou correctives (art. 16, XVI).

L’analyse de la réforme amène à envisager successivement l’élargissement du champ d’application de l’action de groupe, son déroulement procédural, ses effets, et les règles de droit transitoire permettant d’articuler l’ancien et le nouveau régime de l’action de groupe.

Le champ d’application du « nouveau » régime de l’action de groupe

L’étude du champ d’application du nouveau régime de l’action de...

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