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L’aggravation du dommage face au principe de réparation intégrale

Une victime peut demander réparation de préjudices découlant d’opérations chirurgicales rendues nécessaires à la suite d’un accident de la circulation survenu plusieurs années auparavant et en lien de causalité avec celui-ci.

par Henri Conte CJB EA4337le 11 avril 2022

Le passager d’un scooter est victime d’un accident de la circulation le 30 mai 2009. La victime a bénéficié d’une offre transactionnelle de la part de l’assureur dont les montants alloués posent aujourd’hui problème.

Le versement des indemnités a été prévu dans deux transactions conclues respectivement le 6 octobre 2010 et le 19 janvier 2011. La seconde avait pour objet de compléter la première en prenant en compte plus précisément la réalité du dommage subi.

L’état de la victime nécessitera pourtant de nouvelles interventions chirurgicales entre 2013 et 2015. À leurs suites, la victime estime qu’elle a subi une aggravation de ses blessures en lien de causalité avec l’accident de la circulation survenu en 2009. Elle assigne donc les assureurs, parties à la transaction conclue antérieurement, aux fins de l’annuler et de se voir octroyer de nouvelles indemnités.

La cour d’appel a refusé de faire droit à la demande de la victime faute de lien de causalité entre l’accident et le préjudice invoqué.

La Cour de cassation devait donc répondre à la question suivante : les conséquences de ces nouveaux soins ou interventions peuvent-elles être qualifiées d’aggravation de l’état initial ?

Le cas échéant, cela caractérisait l’existence d’un lien de causalité et permettait à la victime d’obtenir réparation des conséquences des interventions chirurgicales.

La Cour de cassation a décidé de casser l’arrêt de la cour d’appel à ce propos. Elle rappelle le principe de réparation intégrale du préjudice et vise l’article 1240 du code civil ainsi que l’article L. 211-19 du code des assurances. Elle juge alors que « l’aggravation du dommage initial causé par un accident peut découler de nouveaux préjudices résultant des soins qui ont été prodigués à la victime postérieurement à sa consolidation, en vue d’améliorer son état séquellaire résultant de cet accident […] ».

Le principe de réparation intégrale du préjudice

Le principe de réparation intégrale n’est inscrit dans aucune loi, mais ressort clairement de la jurisprudence (Civ. 2e, 28 oct. 1954, RTD civ. 1955. 324, obs. H. et L. Mazeaud ; JCP 1955. II. 8765, note R. Savatier ; 16 déc. 1970, n° 69-12.617 ; Civ. 2e, 10 déc. 2015, n° 14-27.209 ; 16 juill. 2020, n° 19-14.982 N, D. 2020. 2142, obs. M. Bacache, A. Guégan et S. Porchy-Simon  ; 9 mai 1972, n° 70-14.150 ; 28 avr. 1975, n° 74-10.448). Selon ce principe, tous les dommages subis par la victime, consécutivement au fait dommageable, doivent être réparés (v. C. Coutant-Lapalus, Le principe de réparation intégrale en droit privé, préf. Pollaud-Dullian, PUAM, 2002). C’est un principe qui joue autant in melius pour la victime qu’in pejus. Ainsi, une victime ne peut normalement pas s’enrichir en exerçant une action en responsabilité civile. Elle doit pouvoir, en revanche, demander des indemnités pour tous les préjudices qu’elle a subis même s’ils n’ont pas encore été intégrés à...

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