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L’aménagement de la charge de la preuve de l’épuisement des droits étendu au réseau de distribution sélective
L’aménagement de la charge de la preuve de l’épuisement des droits étendu au réseau de distribution sélective
Si en principe la charge de la preuve de l’épuisement des droits pèse sur le défendeur à l’action en contrefaçon, tel n’est pas le cas lorsqu’est rapportée la preuve d’un risque de cloisonnement des marchés. La Cour de justice de l’Union européenne précise ici que tel peut être le cas dans certaines circonstances en présence d’un réseau de distribution sélective.
L’épuisement des droits permet de concilier les logiques opposées de la libre circulation des marchandises et des droits de propriété intellectuelle. Encore faut-il, pour que l’épuisement soit pleinement effectif, qu’il soit démontré. En principe, il revient à celui qui se prévaut de l’épuisement de le démontrer. Or, cette preuve est parfois délicate à apporter, notamment lorsque les produits couverts par un droit de marque sont commercialisés dans le cadre d’un réseau de distribution. La Cour de justice de l’Union européenne aménage la charge de la preuve lorsque le défendeur démontre un risque de cloisonnement des marchés dans le cadre d’un réseau de distribution exclusive. L’arrêt vient élargir cette position dans le cadre d’un réseau de distribution sélective.
Voici qu’un titulaire de droit de marque (la société Hewlett Packard) commercialise des produits d’équipement informatique revêtus de ces marques par l’intermédiaire de représentants agréés qui s’engagent à ne pas vendre ces produits, hormis aux utilisateurs finals, à des personnes qui ne sont pas membres de son réseau de distribution sélective. Ces représentants acquièrent les produits uniquement auprès du titulaire de la marque ou d’autres représentants agréés. Un tiers (la société Senetic) a introduit en Pologne des produits revêtus de la marque dont Hewlett Packard est titulaire.
Plusieurs circonstances rendent l’affaire singulière. D’abord, ce tiers, défendeur à l’action en contrefaçon, a acquis les produits dans l’Union, ou dans l’Espace économique européen (EEE). Ensuite, il a obtenu des vendeurs l’assurance qu’ils pouvaient être commercialisés légalement dans l’Union européenne. Ces derniers n’avaient toutefois pas souhaité révéler leurs sources d’approvisionnement. Ce choix est compréhensible dès lors que ce faisant, ils s’exposeraient souvent à des représailles. Par ailleurs, le défendeur avait demandé aux revendeurs agréés par le titulaire de la marque de lui confirmer que lesdits produits pouvaient être commercialisés dans l’EEE sans porter atteinte aux droits exclusifs de celle-ci. Or, il s’était confronté à un refus de leur part. Enfin, chaque exemplaire des produits est pourvu d’un numéro de série permettant de l’identifier. Le titulaire de la marque dispose d’un outil informatique qui comprend notamment une base de données répertoriant tous les exemplaires d’un produit ainsi que le marché auquel ceux-ci sont destinés.
En revanche, ces exemplaires ne sont pourvus d’aucun système de marquage qui permettrait, à lui seul, aux tiers de déterminer si un exemplaire est ou non destiné au marché de l’Espace économique européen. Dans ces conditions, il est très difficile pour le défendeur de faire la preuve de l’épuisement des droits, alors qu’il semble très aisé au titulaire des droits de rapporter la preuve qu’il a mis les produits sur le marché hors de l’Union européenne ou de l’EEE.
Question préjudicielle
Les juges polonais, saisis de l’affaire, ont posé une question préjudicielle à la Cour de Justice afin de savoir si la charge de la preuve de l’épuisement pèse exclusivement sur la défenderesse à l’action en contrefaçon ou s’il est possible de la renverser dans de telles circonstances. Le titulaire d’une marque dispose du droit exclusif de mettre sur le marché des produits sous sa...
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