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L’annexe du TGI de Bobigny à Roissy ne fermera pas ses portes

Les associations ont perdu devant la Cour de cassation qui maintient la tenue d’audiences délocalisées du juge des libertés et de la détention (JLD) à Roissy pour les étrangers en zone d’attente.

par Thomas Coustetle 17 juillet 2018

Les étrangers à qui la France a refusé l’entrée sur le territoire continueront à être jugés à proximité de la zone d’attente, située à quelques mètres de l’aéroport de Roissy. La Cour de cassation estime globalement que les conditions sont réunies pour l’exercice d’une justice indépendante et équitable.

Il s’agit des audiences du JLD tenues dans un tribunal adossé à la zone d’attente des étrangers qui a ouvert le 26 octobre 2017 après avoir été retardé à plusieurs reprises (v. Dalloz actualité, 19 oct. 2017, art. T. Coustet isset(node/187193) ? node/187193 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>187193). À l’époque, le Défenseur des droits ou encore l’observatoire de l’enfermement des étrangers avaient même enjoint à la garde des Sceaux de « mettre fin à cette justice d’exception » (v. Dalloz actualité, 19 oct. 2017, art. préc.).

Dans une note d’analyse publiée le même jour que l’arrêt et intitulée « Délocalisation des audiences à Roissy. Une justice d’exception en zone d’attente », l’Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFÉ) dresse la liste des trente-cinq dysfonctionnements qui ont été observés en huit mois d’audiences à Roissy. Le retard, voire l’absence, d’interprète ou de greffiers est de nature, selon l’association, à entraver le bon déroulement des audiences. « Une interprète en géorgien indique qu’elle n’était pas présente le matin car elle a mis une heure et demie avant de trouver l’annexe du tribunal de grande instance », expliquent les auteurs du document.

De même, le texte revient sur l’imbrication de la salle d’audience dans la zone d’attente de l’aéroport, assurant que cette configuration jette le trouble chez le justiciable, qui n’aurait pas conscience « qu’il quitte un lieu de privation de liberté pour entrer dans un tribunal ».

Un constat partagé par Me Laurence Roque, présidente du Syndicat des avocats de France (SAF). « L’étranger n’a pas conscience qu’il est dans un tribunal séparé du centre de rétention par un panneau "silence”, même s’il est traduit en six langues. […] Encore une fois, on se sert de l’étranger comme d’un laboratoire du pire. »

Les juges ont retenu, pour l’essentiel, que la localisation à Roissy a déjà été validée par la décision du Conseil constitutionnel n° 2003-484 DC du 20 novembre 2003 (v. Cons. const., 20 nov. 2003, n° 2003-484 DC, AJDA 2004. 599 , note O. Lecucq ; D. 2004. 1405 , note O. Lecucq ; ibid. 1278, obs. L. Domingo ; RTD civ. 2004. 65, obs. J. Hauser ) sous réserve d’aménagement de la salle. Surtout, « rien n’établit que ces conditions étaient meilleures au siège du tribunal », qui, pour l’essentiel, « répond[ai]ent aux prescriptions légales et conventionnelles ».

« Le palais de justice n’est donc plus le lieu naturel de justice. On retrouve la même idée avec la visioconférence. »

Une motivation qui n’est en rien évidente pour la présidente du SAF. Me Laurence Roques avait des raisons de penser que la décision prendrait une autre direction. « Plusieurs indices allaient dans le même sens : le Défenseur des droits était intervenu à l’instance, la présidente de la chambre avait retenu la formation de section avec une réduction des délais de traitement et le rapporteur n’avait pas retenu la motivation de la cour d’appel », détaille-t-elle.

Selon l’avocate, « la première chambre civile valide la tenue des audiences en dehors du palais de justice. Il reviendrait désormais au justiciable de démontrer que les conditions sont pires qu’au siège. C’est une tendance très inquiétante. Le palais de justice n’est donc plus le lieu naturel de justice. On retrouve cette idée dans projet de loi qui cherche à multiplier les "chambres détachées". Même chose avec la visioconférence ».

Ce revers judiciaire ne devrait pas stopper la mobilisation. Pour cette avocate, « il y a quelque chose à faire juger devant la Cour européenne des droits de l’homme ».