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L’APC prononce un non-lieu pour défaut d’impartialité dans l’affaire du gardiennage

L’Autorité polynésienne de la concurrence rend une décision de non-lieu concernant une entente alléguée dans le cadre d’un marché public du secteur de la surveillance et du gardiennage, notamment en raison d’un défaut d’impartialité du fait de l’immixtion du collège et de son président dans l’instruction.

par Florent Venayrele 17 décembre 2019

L’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) vient de rendre publique sa décision n° 2019-PAC-02 du 26 novembre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la surveillance et du gardiennage, qui, à n’en pas douter, fera date dans la pratique décisionnelle des autorités de concurrence.

L’APC prononce en effet un non-lieu au double motif de « l’inobservation de la séparation des fonctions d’instruction et de décision » et de « l’inapplicabilité du code de la concurrence aux faits énoncés ». Une décision motivée par des éléments qui, pour le moins, attirent l’attention du lecteur par leur caractère peu commun, particulièrement s’agissant du premier.

Une séance à l’organisation et au déroulement complexes

Le 16 septembre 2019, juste avant le début de la séance, les représentants des sociétés mises en cause se sont entretenus avec le président de l’Autorité, M. Jacques Mérot, pour lui faire part de documents non versés au dossier et susceptibles de conduire selon eux à l’annulation pure et simple du dossier. À la suite de cet entretien, le président de l’APC a reporté sine die la séance, tandis que, le lendemain, des conclusions complémentaires étaient déposées par les deux sociétés mises en cause, qui ont permis d’éclairer le motif du report de la séance de la veille. Ces écritures faisaient état de l’existence d’une note, rédigée le 16 mai 2018 par le rapporteur général, Mme Gwénaëlle Nouët, et adressée au collège de l’Autorité, compromettant aux dires des mises en cause l’ensemble de l’instruction.

Les écritures déposées le 17 septembre 2019 par les sociétés ne versaient cependant pas au dossier la note interne de l’APC, ce qui a entraîné des demandes multiples pour que l’Autorité la produise elle-même, demandes émanant aussi bien des mises en cause que de la saisissante et du commissaire du gouvernement. Ces demandes sont pourtant restées lettre morte pendant plus d’un mois et demi, et ce en dépit d’une agitation médiatique conséquente citant de larges extraits de la note en question (Polynésie 1re radio et télévision, 14 oct. 2019 ; Tahiti Infos, 17 oct. 2019 ; Tahiti Pacifique, 31 oct. 2019).

Compte tenu du défaut d’impartialité supposé mis en exergue par la note incriminée et du « refus manifeste » (§ 14) de l’APC de la verser au dossier, les mises en cause ont demandé officiellement, le 4 novembre 2019, la récusation du président. Le lendemain, ce dernier s’est déporté et a désigné le professeur Christian Montet comme président de la séance à venir, fixée au 14 novembre 2019, vraisemblablement en raison du fait qu’il s’agissait du membre le plus ancien du collège. On notera néanmoins que la décision de déport du président indique simplement que « M. Jacques Mérot, président de l’Autorité polynésienne de la concurrence, ayant décidé de se déporter, délègue expressément ses pouvoirs à M. Christian Montet », mais qu’il n’est aucunement mentionné que ce déport fait suite à une demande de récusation des sociétés mises en cause (décis. n° 2019-DP-28, 5 nov. 2019, JOPF 12 nov.).

Le 6 novembre, soit le lendemain du déport du président de l’APC (mais les sociétés mises en cause ignoraient peut-être qu’il avait été décidé puisque la décision n’a été publiée au JOPF que le 12 novembre), la société Tahiti Vigiles a adressé un nouveau courrier à l’Autorité, en joignant cette fois la note de rapporteur général et en demandant qu’elle soit versée au dossier. Mais le bureau de la procédure n’a, malgré cette demande officielle d’une des parties, pas procédé à l’enregistrement de la pièce.

Devant cette omission, le commissaire du gouvernement, que l’on sent passablement excédé au ton de ses écritures, a lui-même versé la note au dossier le 12 novembre (soit l’avant-veille de la séance) en indiquant que, si la note et ses propres observations complémentaires n’étaient pas versées au dossier, il « transmettrait personnellement, le jour de la séance, une copie de la note et des présentes observations à chacun des membres présents du collège, pour que la séance puisse se dérouler dans les meilleures conditions possibles, étant entendu que l’instruction a déjà été gravement et multiplement viciée » (§ 14). C’est alors que la note tant dissimulée a enfin été officiellement enregistrée par le bureau de la procédure, soit près de deux mois après la première demande qui en avait été faite.

À cette note ont ensuite été ajoutés par les mises en cause, le jour même de la séance du 14 novembre, des échanges de messages électroniques entre le président de l’Autorité, les autres membres du collège, le rapporteur général et son adjoint (qui avait été le rapporteur en charge du dossier, v. infra).

Les pièces (théâtrales) produites au dossier

S’il est rare de voir autant de difficultés dans l’organisation d’une séance d’autorité de concurrence, les informations fournies par la décision au sujet des pièces versées – note du rapporteur général et mails échangés entre le service d’instruction et le collège – sont plus sidérantes encore.

Ainsi, la note du 16 mai 2018 rédigée par le rapporteur général de l’APC relate que le premier rapporteur nommé sur le dossier, M. Sébastien Petit, qui était également le rapporteur général adjoint de l’APC, avait, au terme de son instruction, conclu « à l’incompétence de l’Autorité pour sanctionner les pratiques et, d’autre part, à l’absence de pratiques anticoncurrentielles » (§ 44). Mais le rapporteur général se déclare alors « très hésitante, compte tenu du contexte actuel au sein du service d’instruction et des délais que je m’étais engagée à tenir sur ce dossier (décision avant la fin de l’année 2018), sur la suite à donner à ce dossier » (§ 45). Elle propose alors au collège de choisir entre trois options différentes sur l’orientation de l’instruction à venir du dossier : laisser le rapporteur poursuivre vers un non-lieu ; lui demander de revoir sa position en procédant à une notification de griefs ; ou remplacer le rapporteur actuel…

La décision de l’APC souligne qu’il s’agit là d’une « orientation vers une position répressive » et que « le rapporteur général était pleinement conscient du risque de, selon ses propres termes, “compromettre toute la procédure dans ce dossier” » (§ 45).

Cette note aurait pu rester sans suite de la part du collège, ce qui n’aurait cependant en rien atténué sa gravité ou son manque de professionnalisme. Or, bien au contraire, le président a, en réponse, « interféré de manière active dans l’instruction », selon les propres termes de la décision (§ 46). Après une première demande d’audition du rapporteur, refusée par ce dernier « en vertu de la séparation entre instruction et jugement » (§ 46), le président de l’APC renouvelle sa demande d’audition, arguant qu’une autre réunion de ce type concernant ce dossier a déjà eu lieu, plus de trois mois auparavant (le 16 février 2018), et en concluant que « le collège, à qui des informations avaient été données sur la gestion de ce dossier et qui se trouve aujourd’hui avec une proposition différente réitère donc sa demande d’audition » (§ 46). Une remarque qui tendrait à montrer que les échanges entre le service d’instruction et le collège ne se réduiraient pas à la seule note du rapporteur général et à ses conséquences, mais qu’ils auraient pu être répétés au cours de l’instruction du dossier.

À la suite de ces courriers électroniques, le rapporteur récalcitrant a effectivement été auditionné par le collège le 31 mai 2018. Il semble que ses réponses n’aient pas eu l’heur de plaire au collège, puisqu’il a ensuite été dessaisi du dossier pour être remplacé par un autre rapporteur qui, lui, adressera en moins de six mois une notification de griefs aux mises en cause, parce que « les choses sont quand même bien faites », comme le souligne non sans malice Alain Ronzano (Concurrences n° 4-2019, art. n° 92563). Notons que le rapporteur dessaisi est depuis démissionnaire de l’APC.

De tels agissements, qui contreviennent aux droits les plus élémentaires qui doivent impérativement être garantis aux justiciables, sont bien évidemment de nature à vicier l’ensemble de la procédure. Après un rappel, semble-t-il, bienvenu de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, « le collège ne peut que constater que le principe de séparation des fonctions d’instruction et de décision a été violé, dans la mesure où cette instruction n’a pas été menée sous la seule autorité du rapporteur général » (§ 42), relevant également une « subordination du rapporteur général au collège » (§ 43).

Au-delà des questions de procédure, une affaire au fondement discutable

Compte tenu des entorses aux règles procédurales, la décision aurait pu ne pas même effleurer le fond de l’affaire. Néanmoins, cela n’a pas été le choix du collège, qui a souhaité revenir sur une question spécifique : celle de l’application dans le temps du code de la concurrence polynésien. Sans doute ce choix a-t-il été dicté par le fait que le rapporteur général, dans sa note, voulait également « connaître la position de principe du collège sur la question juridique de l’entrée en vigueur de la loi du pays n° 2015-2 du 23 février 2015 » (§ 44) (c’est-à-dire la loi du pays relative à la concurrence qui institue en Polynésie française le code de la concurrence). Or, si le rapporteur général souhaite connaître la position du collège à cet égard, c’est que la question est en effet fondamentale dans l’affaire instruite.

Le dossier concerne en effet un appel d’offres lancé par la Direction du commissariat d’outre-mer en Polynésie française (DICOM), qui visait à assurer le gardiennage et la surveillance des emprises militaires en Polynésie française. Dans le cadre de cet appel d’offres, les sociétés Tahiti Vigiles et Jurion Protection, les deux plus grandes entreprises du secteur, ont déposé une réponse en groupement, ce qui était autorisé par les termes de l’appel d’offres.

La société concurrente Haumani Sécurité, troisième acteur le plus important du secteur et attributaire du même marché public pour la période précédente de quatre années, a ensuite saisi l’Autorité polynésienne de la concurrence le 24 novembre 2016 pour dénoncer le groupement formé par ses concurrents. Le grief notifié aux mises en cause par l’Autorité retient la constitution d’un groupement non justifié sur le plan économique ou technique qui caractériserait l’existence d’une entente anticoncurrentielle.

Sur le plan chronologique, cet appel d’offres à bons de commande, sans minimum ni maximum en valeur ou en quantité, a été publié le 13 octobre 2015, pour des candidatures requises avant le 18 novembre 2015. La lettre de candidature du groupement formé par les sociétés Jurion Protection et Tahiti Vigiles est datée du 26 octobre 2015. S’ensuit alors le processus d’attribution du marché, conduisant à une notification finale aux attributaires (les sociétés du groupement) le 25 avril 2016.

Dans sa décision, l’Autorité s’interroge sur l’application du code de la concurrence à l’époque des faits, soit entre la publication de l’appel d’offres, le 13 octobre 2015, et la réponse du groupement, le 26 octobre 2015, période à laquelle le groupement a donc été constitué. Le collège relève en effet que, bien que le code de la concurrence ait été créé par la loi du pays du 23 février 2015 précitée, l’Autorité a précédemment, et avec régularité, indiqué qu’il n’était entré en vigueur qu’au 1er février 2016.

Le collège constate ainsi que « les dispositions du texte polynésien ont été présentées par l’Autorité comme entrant en vigueur au moment de la mise en place effective de celle-ci » (§ 52). L’Autorité liste quelques exemples non exhaustifs, qu’il s’agisse de déclarations effectuées dans la presse par le président de l’Autorité, de la propre pratique décisionnelle de l’APC (et notamment de la décision n° 16-SC-01 du 13 septembre 2016), des rapports annuels de l’APC ou encore du Rapport au président de la République relatif à l’ordonnance n° 2017-157 du 9 février 2017. Tous les éléments présentés convergent en indiquant à chaque fois que le code de la concurrence n’est entré en vigueur qu’à partir du 1er février 2016.

Sans chercher à démontrer que les mesures transitoires prévues par l’article LP 3 de la loi du pays n° 2015-2 du 23 février 2015 permettent effectivement de déroger au principe juridique général selon lequel les lois entrent en vigueur au lendemain de leur publication au Journal officiel, l’Autorité invoque le principe d’intelligibilité du droit et s’en tient ainsi au fait que « le justiciable ne peut que légitimement considérer que la date d’entrée en vigueur du code de la concurrence est le 1er février 2016 » (§ 57). Les dispositions du code ne peuvent donc s’appliquer dans le cas d’espèce.

Le droit n’étant pas applicable à l’époque des faits, l’Autorité se dispense naturellement d’une étude au fond du dossier (et d’autant plus que le défaut d’impartialité mis en évidence suffisait à lui seul à prononcer un non-lieu). Mais, pour autant, elle prend la peine de rappeler que les groupements d’entreprises destinés à répondre à un appel d’offres ne sont pas illicites en eux-mêmes et qu’il convient de les apprécier au cas par cas (§ 60 et 61). Elle se garde donc bien de diffuser l’idée qu’il ne serait plus possible pour les entreprises polynésiennes, à l’avenir et de façon générale, de former de tels groupements.

Plus encore, l’Autorité glisse qu’en l’occurrence, « rien ne permet de conclure que le groupement ait fait obstacle au bon fonctionnement de la concurrence » et rappelle, constat non négligeable, que « le groupement a proposé une offre compétitive qui lui a permis d’emporter le marché, avec un avantage tarifaire clair par rapport à l’offre de la société Haumani Sécurité » (§ 62). Sans avoir eu à statuer en détail sur le fond de l’affaire, le collège laisse ainsi tout de même entendre qu’entre les deux thèses qui ont pu s’affronter au sein du service d’instruction, il adhère plus volontiers à celle de l’absence d’une pratique anticoncurrentielle, renforçant ainsi le sentiment d’une orientation à charge de l’instruction née de la collusion entre instruction et décision.

Vers un droit d’inventaire ?

La décision de l’APC constitue un désaveu sans précédent du fonctionnement interne de l’Autorité… par elle-même. Cela n’a pu résulter que du renouvellement des membres du collège, arrivés en fin de mandat (arr. n° 2133 CM, 25 sept. 2019). C’est ce hasard du calendrier qui a pu voir siéger, lors de la séance du 14 novembre 2019, quatre membres qui n’avaient – à aucun moment de l’instruction – été impliqués dans les irrégularités procédurales du dossier du gardiennage.

Le nouveau collège de l’APC semble ainsi avoir voulu, par cette décision particulièrement sévère, affirmer sa distance avec ce malheureux dossier comme sa volonté de voir les procédures internes de l’Autorité changer radicalement. Le message est clair et semble s’adresser tant au président de l’Autorité qu’à l’ensemble du service d’instruction, bien que le rapporteur général impliqué ait démissionné de ses fonctions avant la séance du 14 novembre pour rejoindre, trois mois avant la fin de son mandat, l’Autorité de la concurrence métropolitaine (v. Aut. conc., 25 juill. 2019, JO 28 juill., texte n° 64 ; arr. n° 2110 CM, 23 déc. 2015, JOPF 23 déc.).

Si la décision de l’APC est aussi salutaire que courageuse, peut-elle cependant suffire à sauver l’institution ? On se souvient que l’APC venait déjà d’essuyer un sérieux revers dans l’affaire « des frigos » du groupe Wane, où sa décision, contestée sur le fond, avait en sus été suspendue par la cour d’appel de Paris au motif d’un probable défaut d’impartialité du président de l’APC rejaillissant sur l’ensemble du collège (décis. 2019-PAC-01, 22 août 201, Dalloz actualité, 3 oct. 2019, obs. L. Donnedieu de Vabres-Tranié et F. Vever ; Concurrences n° 4-2019, art. n° 92404, obs. J.-L. Fourgoux ; Paris, ord., 16 oct. 2019, n° 19/15773, Dalloz actualité, 6 nov. 2019, obs. F. Venayre). Pour ses deux premières affaires de pratiques anticoncurrentielles susceptibles de donner lieu à des sanctions, l’APC est donc gravement mise en cause, plus particulièrement sur des questions déontologiques essentielles.

Certes, les membres non permanents du collège ont été renouvelés et l’arrivée prochaine d’un nouveau rapporteur général est annoncée, offrant tous les gages de qualité requis et l’expérience nécessaire (arr. n° 1161 CM, 8 juill. 2019). Mais il reste que le mandat de l’actuel président de l’Autorité se poursuivra jusqu’en juillet 2021 (arr. n° 913 CM, 9 juill. 2015) et que l’on peut s’interroger sur la capacité de l’institution à travailler sereinement dans les conditions actuelles. C’est finalement tout l’objet de la question shakespearienne posée par Alain Ronzano (art. préc.), lorsqu’il se demande ce qu’il se passe « au royaume de l’Autorité polynésienne de la concurrence ? ».

Le futur fonctionnement de l’Autorité est d’autant plus incertain que la décision gardiennage risque fort de susciter très rapidement de nouvelles questions et de nouveaux débats.

En premier lieu, la décision acte que le code de la concurrence ne saurait être appliqué à des faits antérieurs au 1er février 2016. Or, dans la décision « des frigos » précitée (§ 128 s.), l’Autorité avait expliqué que, si le contrôle des surfaces commerciales (et sans doute le contrôle des concentrations), n’était applicable qu’à partir du 1er février 2016, date d’entrée en fonction de l’APC compte tenu des recrutements préalables requis par la loi du 23 février 2015, le droit des pratiques anticoncurrentielles, lui, s’appliquait dès l’adoption de la loi. Or le code de la concurrence polynésien n’établit aucune différence de régime entre les diverses missions de l’Autorité du point de vue de sa date d’entrée en vigueur. Et l’on sait que « là où la loi ne distingue pas, il n’y a pas lieu de distinguer ». L’Autorité avait toutefois apporté une nuance en indiquant que les pratiques anticoncurrentielles, même caractérisables depuis février 2015, ne devenaient sanctionnables qu’à compter de février 2016.

Cette lecture dichotomique de la règle, qui pouvait ne pas pleinement convaincre dans l’affaire « des frigos », révèle finalement peut-être son origine à la découverte du dossier du gardiennage. Quoi qu’il en soit, l’Autorité avait ainsi pu qualifier (sans le sanctionner) un abus de position dominante des sociétés du groupe Wane pour une pratique de discrimination datant de 2015. Le revirement d’interprétation décidé par le collège à l’occasion de la décision gardiennage remet bien entendu en question, sur cet aspect, la précédente décision.

En second lieu, une phrase attire également l’œil, dans le courrier électronique envoyé par le président de l’Autorité le 24 mai 2018 au rapporteur en charge du dossier à l’époque. Le président mentionne en effet que l’audition du rapporteur général adjoint est nécessaire, au-delà du dossier du gardiennage, car le collège « souhaite en outre faire le point sur d’autres dossiers dont la prévision d’arrivée à échéance le concerne » (§ 46).

Quels sont les dossiers ainsi évoqués dans cette correspondance de mai 2018 ? À l’heure actuelle, seule l’affaire « des frigos » a été l’objet d’une décision contentieuse de l’APC en août 2019. Une autre, concernant le secteur du bitumage, a été évoquée par une fuite dans la presse, le journaliste ayant visiblement été destinataire de l’avis de clémence concernant le dossier (La Dépêche de Tahiti, 18 sept. 2019). Cette dernière affaire viendrait d’ailleurs de voir ses opérations de visite et de saisie invalidées par la cour d’appel de Papeete (Tahiti Infos, 5 déc. 2019). Ces deux dossiers étaient-ils également concernés par l’audition du rapporteur général adjoint ? Combien d’autres dossiers encore pourraient s’avérer potentiellement viciés par des échanges entre le service d’instruction et le collège, dont la phrase du président de l’APC pourrait laisser penser qu’ils ont été érigés en système de fonctionnement au sein de l’Autorité ?

Voilà deux ans, alors que les équipes de l’APC étaient celles mises en cause dans l’instruction du dossier du gardiennage, le président de l’Autorité ouvrait un colloque sur le droit de la concurrence en présentant le travail de l’Autorité d’une manière qui prend aujourd’hui une teinte tout à fait particulière (p. 21 et 22) : « L’Autorité de la concurrence œuvre de façon impartiale et indépendante, en conformité avec les meilleurs standards (règles déontologiques, déclaration des liens d’intérêts, séparation stricte entre instruction et décision, droits de la défense, etc.). […] L’impartialité […] est consubstantiellement liée à la droiture des membres du collège et aux valeurs qu’ils portent. Au-delà de ces qualités des membres s’ajoutent les règles de fonctionnement que j’ai rappelées à l’instant pour sécuriser et garantir l’impartialité de l’Autorité. J’ai la plus grande confiance dans la compétence et l’impartialité du collège de l’APC. […] Enfin, le jour venu, la confiance en l’impartialité du droit alors installée, il faudra évaluer la politique de concurrence mise en œuvre en Polynésie française, sans craindre alors de l’adapter le cas échéant » (J. Mérot, Un droit de la concurrence impartial à Tahiti : une utopie ?, Colloque sur le droit de la concurrence en Polynésie française et dans les petites économies insulaires du Pacifique. Bilan et perspectives, 21 et 22 nov. 2017, 2018, UPF/LexisNexis, p. 15 s.).