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L’appel civil et les délices du droit transitoire (bis repetita)

La déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n’est pas une déclaration d’appel et n’introduit pas une nouvelle instance mais entraîne la poursuite de l’instance d’appel initiale. Lorsque cette instance a été introduite par une déclaration d’appel antérieure à l’arrêt du 17 septembre 2020, ne peut recevoir application la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cet arrêt, selon laquelle il convient de solliciter au dispositif des conclusions d’appel l’infirmation ou l’annulation du jugement querellé.

Chacun connaît les difficultés de droit transitoire engendrées par l’arrêt du 17 septembre 2020 (Civ. 2e, 17 sept. 2020, n° 18-23.626, Dalloz actualité, 1er oct. 2020, obs. C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 2046 , note M. Barba ; ibid. 2021. 543, obs. N. Fricero ; ibid. 1353, obs. A. Leborgne ; AJ fam. 2020. 536, obs. V. Avena-Robardet ; D. avocats 2020. 448 et les obs. ; Rev. prat. rec. 2020. 15, chron. I. Faivre, A.-I. Gregori, R. Laher et A. Provansal ; RTD civ. 2021. 479, obs. N. Cayrol ). Aux termes de ce célèbre arrêt, il appartient à l’appelant de faire figurer au dispositif de ses premières conclusions d’appel une demande d’infirmation ou d’annulation du jugement querellé, à peine de confirmation de ce dernier ou de caducité de la déclaration d’appel (Civ. 2e, 4 nov. 2021, nos 20-16.208 et 20-15.757, Dalloz actualité, 18 nov. 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2022. 96 , note M. Barba ; ibid. 625, obs. N. Fricero ; Rev. prat. rec. 2021. 7, chron. F. Kieffer, R. Laher et O. Salati ). La nouveauté de la règle et la brutalité de sa sanction ont cependant conduit la deuxième chambre civile à l’assortir d’un différé d’application d’allure législative : lorsque l’appel est introduit antérieurement au 17 septembre 2020, la règle de procédure ne s’applique pas ; lorsque l’appel est introduit postérieurement, la règle de procédure s’applique (v. not., M. Barba, L’appel civil et les délices du droit transitoire, D. 2021. 1217 ). Ce découpage temporel a très régulièrement conduit la deuxième chambre civile à annuler des arrêts d’appel ayant fait application anticipée de la règle de procédure, volontairement ou non (v. not., Civ. 2e, 20 mai 2021, nos 20-13.210 et 19-22.316, Dalloz actualité, 4 juin 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 1217 , note M. Barba ; AJ fam. 2021. 317, édito. V. Avena-Robardet ; ibid. 381, édito. V. Avena-Robardet ; 17 nov. 2022, n° 21-18.787). Certaines configurations originales restaient cependant à traiter.

Le 13 novembre 2015, appel d’un jugement est relevé. L’appelant est débouté. Il forme un pourvoi qui s’avère victorieux et qui conduit donc à cassation et renvoi (Civ. 1re, 20 janv. 2021, n° 19-15.849, Dalloz actualité, 12 févr. 2021, obs. J.-D. Pellier ; D. 2021. 236 ; Rev. prat. rec. 2021. 25, chron. V. Valette-Ercole ). Une déclaration de saisine est régularisée. L’appelant n’observe cependant pas la règle de procédure énoncée par l’arrêt du 17 septembre 2020 : ses conclusions n’arborent, au dispositif, aucune demande d’infirmation ou d’annulation du jugement querellé. Rigoureuse, la Cour d’appel de Lyon confirme le jugement déféré en conséquence. Pourvoi est à nouveau formé et bien formé.

Qu’advient-il au cas d’une instance d’appel introduite par déclaration d’appel antérieure au 17 septembre 2020 mais reprise, sur renvoi après cassation, par déclaration de saisine postérieure au 17 septembre 2020 ? La règle issue de l’arrêt du même jour s’applique-t-elle ? C’est la question de droit adressée à la Cour de cassation.

La deuxième chambre civile résout la difficulté en formation restreinte. Au visa des articles 542, 631 et 954 du code de procédure civile ensemble l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, elle déploie un raisonnement en deux temps suivi d’un conclusif efficace. Dans un premier temps, la Cour rappelle le contenu de la règle de procédure dégagée par l’arrêt du 17 septembre 2020 ainsi que la règle de droit transitoire qui l’assortit (§ 5). Dans un second temps, la Cour énonce classiquement que devant la juridiction de renvoi sur cassation, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation, de sorte que c’est la même instance d’appel qui reprend et se poursuit devant la cour d’appel de renvoi (§ 6).

Le conclusif suit : « La déclaration de saisine de la juridiction de renvoi après cassation n’est pas une déclaration d’appel et n’introduit pas une nouvelle instance mais entraîne la poursuite de l’instance d’appel initiale. Lorsque cette instance a été introduite par une déclaration d’appel antérieure à l’arrêt du 17 septembre 2020, la règle de procédure nouvelle énoncée pour la première fois par cet arrêt ne peut recevoir application » (§ 7).

La solution est opportune même si la réforme de la procédure d’appel pourrait bien rebattre les cartes.

L’opportunité de la solution

La solution est opportune tant sous l’angle du droit transitoire que sous celui du droit processuel, les deux étant liés.

Droit transitoire

Il est constant que la règle de procédure issue de l’arrêt du 17 septembre 2020 n’est applicable qu’aux appels introduits postérieurement à cette date. Importe donc seulement la date de la déclaration d’appel, pour les appels principaux comme incidents (Civ. 2e, 1er juill. 2021, n° 20-10.694, Dalloz actualité, 23 juill. 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 1337 ; ibid. 2022. 625, obs. N. Fricero ; AJ fam. 2021. 505, obs. J. Casey ). Sous l’angle du droit transitoire et pour emprunter au vocabulaire internationaliste, il est donc acquis que c’est l’acte d’appel qui constitue le critère de rattachement : régularisé avant le 17...

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