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L’application des règles procédurales étrangères dans le cadre de la litispendance internationale

Pour déterminer si une juridiction d’un autre État membre a déjà été saisie, le juge français doit rechercher si le demandeur – devant la juridiction étrangère – a respecté les obligations que le droit de cet État membre lui imposent afin que l’acte introductif d’instance soit signifié ou notifié au défendeur. C’est ce que nous précise la première chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt récent rendu à propos d’une affaire de divorce à dimension internationale.

On le sait, le contentieux international du démariage est propice à la saisine concurrente de différents juges : le règlement Bruxelles II ter, et son ancêtre Bruxelles II bis, retenant une pluralité des rattachements pour la détermination du juge compétent. Le mécanisme de la litispendance vient alors utilement interrompre cette « ruée vers le tribunal » (selon l’expression consacrée par la Commission européenne, Proposition règl. [CE], mod. règl. [CE] n° 2201/2003 du 17 juill. 2006, COM[2006] 399 final, p. 4) : le juge second saisi est supposé surseoir à statuer en attendant que le premier détermine sa compétence.

Derrière l’apparente simplicité du processus se cache une difficulté révélée par l’arrêt commenté : la détermination de la saisine effective de la juridiction étrangère. Or, ici ce n’est pas la date de la saisine qui est questionnée (comme cela pu être le cas dans d’autres affaires, Civ. 1re, 11 juin 2008, n° 06-20.042, Dalloz actualité, 20 juin 2008, obs. I. Gallmeister ; D. 2008. 1773, et les obs. ; ibid. 2363, chron. P. Chauvin et C. Creton ; ibid. 2009. 1557, obs. P. Courbe et F. Jault-Seseke ; AJ fam. 2008. 295, obs. P. Hilt ; RDP 2009, n° 01, p. 9, obs. G. Cuniberti ; Rev. crit. DIP 2008. 859, note B. Ancel ; RTD civ. 2008. 723, obs. R. Perrot ), mais l’interprétation de l’article 16 du règlement Bruxelles II bis conditionnant l’effectivité de la saisine de la juridiction d’un État membre au fait que le demandeur prenne toutes les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte introductif d’instance soit notifié ou signifié au défendeur.

Dans les faits, il était question d’une désunion entre un ressortissant français et une ressortissante polonaise. L’épouse a saisi les juridictions polonaises par un acte introductif d’instance déposé le 4 janvier 2021. Quelques semaines plus tard, le 4 mars 2021, l’époux fait délivrer une assignation en divorce devant les juridictions françaises.

Par une ordonnance du 30 août 2021, le juge aux affaires familiales rejette l’exception de litispendance soulevée par l’épouse et retient sa compétence. Pour autant, par une décision définitive du 3 décembre 2021, le juge polonais se reconnaît également compétent pour statuer sur le divorce.

Face à une telle concurrence des procédures, la Cour d’appel de Paris confirme pourtant l’ordonnance du 30 août 2021, faute pour l’épouse de démontrer qu’elle a bien mis en œuvre les mesures qu’elle était tenue de prendre afin que l’époux soit notifié ou signifié de l’acte introductif d’instance devant les juridictions polonaises.

Saisie d’un pourvoi, la Haute Cour casse et annule cet arrêt pour défaut de base légale, les juges du fond n’ayant pas recherché si « selon le droit procédural polonais, la notification de la requête en divorce après son dépôt incombait, non pas au demandeur, mais à la juridiction saisie ».

Le pourvoi posait la question de savoir à l’aune de quelles règles le juge d’un État membre doit apprécier si le demandeur a pris toutes les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit notifié ou signifié au défendeur.

Le règlement Bruxelles II bis, applicable en l’espèce, contient une définition autonome de la notion de « juridiction saisie » : « 1. Une juridiction est réputée saisie: a) à la date à laquelle l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu’il était tenu de prendre pour que l’acte soit notifié ou signifié au défendeur ; ou b) si l’acte doit être notifié ou signifié avant d’être déposé auprès de la juridiction, à la date à...

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