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L’articulation du projet de règlement sur l’intelligence artificielle avec le droit du numérique européen

L’inflation législative européenne en matière de numérique amène à une diversité et une multitude de régimes juridique. En contrepartie, des difficultés d’articulation apparaissent entre ces normes en vigueur et celles en cours d’adoption.
Le projet de règlement sur l’intelligence artificielle représente une brique majeure du droit européen à venir, dont la mise en œuvre nécessite de prendre en considération des textes juridiques variés selon deux cas de figure, à savoir les enjeux de la gouvernance des données avant la mise sur le marché et la responsabilité une fois diffusés dans notre économie.

Chloé Plédel est responsable des affaires européennes et réglementaires au sein de l’association Hub France IA.

Diane Galbois-Lehalle est maître de conférence en droit privé, directrice du master Droit de l’intelligence artificielle à l’Institut catholique de Paris, unité de recherche EA7403.

Bertrand Cassar est Docteur en droit, co-responsable du Diplôme universitaire « Transformation numérique du droit » à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne.

 

À la suite du vote en session plénière du Parlement européen, le 14 juin dernier, et à l’aune de la procédure de trilogue à venir, dont la première session est prévue ce 18 juillet, certaines interrogations concernant l’articulation de ce projet de Règlement européen sur l’intelligence artificielle (RIA) et d’autres textes européens émergent, sur fond de considérations éthiques. Dans son rapport de 2017 relatif à l’intelligence artificielle, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Rapp. CNIL, 2017, Comment permettre à l’Homme de garder la main ? Les enjeux éthiques des algorithmes et de l’intelligence artificielle) remarquait déjà que « l’éthique apparaît comme une éclaireuse du droit, la norme éthique est une préfiguration de la norme juridique ». Cette approche éthique a d’ailleurs été au cœur de l’élaboration du projet de RIA, dès lors que les législateurs se sont fortement inspirés des travaux éthiques du Groupe d’experts de haut niveau en IA (Lignes directrices en matière d’éthique pour une IA digne de confiance, HLEG AI) afin de définir la mise en œuvre d’une démarche de conformité relative aux systèmes d’IA à haut risque.

Ainsi, fut publiée le 21 avril 2021 la proposition de RIA par la Commission européenne (Comm. europ., 21 avr. 2021, COM(2021) 206 final, proposition de règlement établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle et modifiant certains actes législatifs de l’Union), laquelle donna lieu à une orientation générale du Conseil de l’Union européenne, le 6 décembre 2022 (Législation sur l’intelligence artificielle : le Conseil appelle à promouvoir une IA sûre et respectueuse des droits fondamentaux, Conseil de l’Union européenne), avant que le texte ne soit amendé par le Parlement européen, réuni en séance plénière le 14 juin 2023 (Règlement sur l’intelligence artificielle - Textes adoptés par le Parlement, Parlement européen). L’ambition du législateur européen avec cette réglementation est similaire à celle du Règlement général sur la protection des données (RGPD) : créer un cadre juridique de confiance favorisant l’innovation sur le territoire de l’Union européenne, par une application extraterritoriale. Cette approche se retrouve plus largement dans toute la régulation du secteur du numérique, notamment en ce qui concerne les données, la cybersécurité, les services et marchés numériques, ainsi que pour des aspects sectoriels spécifiques, telle la proposition de directive sur la responsabilité appliquée au domaine de l’intelligence artificielle. Se dessine ainsi, progressivement, un maillage juridique du numérique.

De la profusion de textes au niveau européen et des nécessaires problèmes d’articulation entre eux, il ressort un besoin de clarification. En effet, les entreprises – notamment les TPE/PME ainsi que les jeunes pousses (start-up) – se voient contraintes d’adapter leur fonctionnement à cette ribambelle de règlements et de directives, au risque d’en oublier certains par ignorance de la loi (au sens premier de l’expression). Dans cette configuration, la simplification de ces textes devient un enjeu concret ; on pourrait imaginer a minima une codification à droit constant des normes européennes relatives au numérique. Il devient alors crucial d’investiguer l’articulation du projet de RIA avec les autres actes de l’Union européenne, notamment en ce qui concerne la gouvernance des données nécessaire aux systèmes d’intelligence artificielle et la responsabilisation des différents acteurs, du concepteur...

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