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À l’Assemblée, la XVe législature tire sa révérence. Au moment où elle suspend ses travaux, le bilan de la mandature est mitigé : si les députés n’ont jamais autant travaillé, ces dernières années ont mis en lumière la faible place que leur laisse la Ve République.
par Pierre Januel, Journalistele 9 mars 2022
En 2017, les législatives ont été un moment de renouvellement important de la vie politique française. Là où les parlementaires le devenaient après un long cheminement, de nombreux députés élus en juin 2017 vivaient leur première élection. Comme le note un haut fonctionnaire parlementaire : « de nombreux députés ont découvert ce qu’était le mandat parlementaire, avec les contraintes inhérentes à cette fonction. Certains pensaient de bonne foi, au vu de ce qu’ils percevaient des médias, que le mandat se résumait à battre du pupitre pendant les questions au gouvernement et à quelques photos d’hémicycles vides ».
Cette découverte a valu de nombreuses déconvenues aux députés. D’autant qu’élus derrière le président Emmanuel Macron, ces parlementaires étaient dans la hantise de répéter le spectacle des « frondeurs », qui avaient contesté les décisions importantes de François Hollande. Méconnaissant les règles du jeu institutionnel et voulant coller à la ligne présidentielle, les députés ont, au début de la mandature, été excessivement soumis à la volonté gouvernementale.
Comme l’indiquait un sénateur : « Nous avions parfois l’impression que le député en face de nous n’était pas décisionnaire. Il devait constamment en référer à son groupe, qui centralisait tout. » Pour un collaborateur parlementaire : « Le groupe LREM n’est pas un véritable corps collectif, un lieu où l’on débat. »
L’apprentissage a été progressif. Pendant la crise Benalla à l’été 2018, le gouvernement s’est avéré incapable de fixer une ligne claire à suivre, ce qui a conduit à l’enlisement des débats sur la réforme constitutionnelle. La volonté de surcontrôler l’activité des parlementaires a conduit de nombreux parlementaires LREM à quitter le groupe, passé en cinq ans de 314 à 267 députés. Conséquence : le nombre de groupes parlementaires a explosé, ce qui a augmenté d’autant la durée des débats et l’épaisseur des liasses d’amendements.
L’échec de la chambre du non-cumul
La XVe législature qui s’achève aura également montré la difficulté de penser la chambre du non-cumul. Une réforme aux effets massifs qui n’avaient pas été anticipés. Auparavant, parlementaire était perçu comme un statut, plus qu’une activité à plein temps. Comme le soulignait un haut fonctionnaire : « L’Assemblée n’a pas été pensée pour fonctionner avec 577 députés à temps plein et 10 groupes. » Surtout que certains députés nouvellement élus, qu’ils soient ou non de la majorité, ont eu tendance à délaisser le travail de circonscription.
Autre point, comme l’a noté Étienne Ollion dans son ouvrage Les Candidats (PUF), « les véritables novices n’ont que très rarement réussi à s’imposer », quand leurs collègues, ayant déjà eu un parcours politique avant 2017, ont percé plus facilement. D’autres éléments ont réduit la place du Parlement : d’abord la crise sanitaire, où l’essentiel de la gestion a été confié au gouvernement. La technicisation de la loi entraîne un recours, parfois abusif aux ordonnances (v. Dalloz actualité, 20 mars 2018, obs. P. Januel). Dans la lignée du quinquennat Hollande, le recours aux habilitations a doublé en dix ans, selon le décompte du Sénat.
Tous ces éléments ont conduit à un sentiment d’inutilité des parlementaires. Il est notable qu’à la suite des élections locales de 2020 et 2021, plusieurs parlementaires aient préféré l’exercice du mandat local et que plusieurs suppléants aient appelé à siéger à refusé d’intégrer l’Assemblée.
Un député plus technicien
L’activité parlementaire a été très forte. Ainsi, la commission des lois a siégé plus de 1 000 heures au cours de la XVe législature, contre 626 heures sous la législature précédente. Les députés ont multiplié les travaux d’audit et de contrôle. La commission des lois a créé 46 missions d’informations, dont 12 missions flash, contre 19 dans l’ensemble de la mandature précédente. Le gouvernement a également fait un usage record du nombre de parlementaires en mission (143 selon la base de données tenue par l’universitaire Gilles Toulemonde). Le nombre de commissions d’enquête est en forte hausse (25 contre 10 entre 2012 et 2017).
Dans ce travail de contrôle, les députés ont également pu parfois trouver des éléments pour imposer un rapport de force au gouvernement. Une position assumée par la présidente, Yaël Braun-Pivet de la commission des Lois. Selon un décompte effectué, de nombreuses préconisations parlementaires ont ensuite connu des applications concrètes. L’expertise a permis de renforcer les parlementaires.
Les députés ont progressivement intégré les règles du jeu. Ainsi, ils ont réussi à faire voter la réforme des retraites à l’Assemblée sans être mis à défaut. Même si la crise sanitaire a ensuite enterré le projet. Pour un collaborateur de l’opposition : « L’arrivée de Christophe Castaner à la présidence du groupe majoritaire a fait du bien au groupe LREM. Il a permis l’adoption de textes importants que le gouvernement ne souhaitait pas forcément, sur l’IVG, la fin de vie ou l’égalité femmes-hommes. »
Le Parlement, vieille institution du XIXe siècle, cherche encore sa place dans la démocratie moderne. La XVe mandature, qui était celle du non-cumul, ne l’aura pas encore trouvé. La XVIe, quelle que soit sa couleur politique, va continuer à chercher.
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