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L’associé qui se retire d’une société civile ne peut, une fois le retrait autorisé, céder ses parts

L’associé retrayant d’une société civile immobilière (SCI) doit mener la procédure de retrait jusqu’à son terme. Par conséquent, la procédure de cession des parts sociales d’une SCI à un tiers doit être annulée lorsqu’elle a été initiée en méconnaissance de la procédure de retrait qui a d’ores et déjà été acceptée par la société, et dont l’échec n’a pas été constaté.

1. Certains arrêts soulèvent plus de questions qu’ils n’en résolvent. C’est le cas de celui rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 25 mai 2023, qui traite de la délicate question, inédite à notre connaissance, de l’articulation entre exercice du droit de retrait d’une société civile et cession des droits sociaux qui en sont l’objet.

2. En l’espèce, un litige était né de l’exercice par un associé d’une société civile (la SCI du Cherche Midi) de son droit de retrait, lequel avait été autorisé les 11 et 18 octobre 2010 par décision prise en assemblée générale ; on le suppose, à l’unanimité des autres associés conformément à l’article 1869, alinéa premier du code civil. Quatre années plus tard, en août 2014, un expert de prix 1843-4 (C. civ., art. 1869, al. 2) avait rendu un rapport fixant la valeur des parts sociales du retrayant à la somme de 177 333 €.

3. Pour une raison que l’on ignore, en septembre 2014, le retrayant informait toutefois la SCI de son intention, valant demande d’agrément, de céder ses parts à une SARL. La SCI lui ayant notifié un refus quasi immédiat, le retrayant mettait alors en demeure la SCI d’avoir à lui payer la somme correspondant à l’évaluation de l’expert de prix. Six mois après ce refus, l’associé décidait quand même de réaliser la cession pour laquelle un refus d’agrément lui avait notifié.

4. Devant la Cour d’appel de Paris, la SCI du Cherche Midi obtient l’annulation de la cession. Un pourvoi est formé par l’associé. Deux arguments sont avancés par lui.

D’abord, il soutient que le refus d’agrément qui lui a été opposé par la SCI l’autorisait à poursuivre la cession de ses parts avec la SARL, en application de l’article 12 des statuts stipulant que « si aucune offre d’achat n’est faite au cédant dans un délai de six mois à compter de la dernière des notifications, l’agrément à la cession est réputé acquis à moins que les autres associés ne décident, dans ce même délai, la dissolution anticipée de la société » (comp., C. civ., art. 1863). Or, la cour d’appel avait au contraire considéré que la cession intervenue au bénéfice de la SARL ne pouvait se substituer à l’opération de retrait entreprise, tout en relevant que la cession litigieuse était intervenue six mois après qu’un refus d’agrément lui avait été notifié sans qu’une offre de rachat soit formulée. Ce faisant, la cour d’appel aurait violé l’article 1134 dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016.

Ensuite, l’associé soutenait encore que la cour d’appel aurait privé sa décision de base légale au regard de l’article 1108 ancien, faute pour elle d’avoir identifié la règle à laquelle contrevenait la cession des parts pour être considérée comme non valablement conclue.

5. Ces deux griefs sont rejetés par la Cour de cassation, qui rend un arrêt intéressant, mais dont l’absence de motivation rend l’analyse délicate.

La procédure de retrait acceptée fait obstacle à la cession des parts qui en sont l’objet

6. En premier lieu, la cour d’appel est approuvée par la Cour de cassation pour avoir jugé que l’associé engagé dans une procédure de retrait avec rachat de ses parts, acceptée par la société civile, et dont l’échec n’a pas été constaté, ne peut valablement céder ses parts sociales à un tiers. Il incombe alors à cet associé de mener la procédure de retrait à son terme.

Trois séries d’observations peuvent être formulées.

7. Tout d’abord, il paraît utile de rappeler que l’associé autorisé à se retirer d’une société civile ne perd cette qualité qu’après remboursement de la valeur de ses droits sociaux (v. not., Com. 17 juin 2008, n° 06-15.045 P, Dalloz actualité, 19 juin 2008, obs. A. Lienhard ; D. 2009. 1772, chron. M. Laroche ; Rev. sociétés 2008. 826, note J.-F. Barbièri ; RTD com. 2008. 588, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ; JCP 2008. II. 10169, note C. Lebel). Aussi, une dissociation entre perte de la qualité d’associé et remboursement des droits sociaux ne peut être opérée qu’à la condition qu’une disposition expresse le prévoie (CSP, art. L. 4113-69 ; tel était aussi le cas des SCP de notaires, jusqu’à la modification de l’art. 31, al. 2 du décr. n° 67-868, par le décr. n° 2016-1509 du 9 nov. 2016 ; sur cet al. 2 avant 2016, v. Civ. 1re, 17 déc. 2009, n° 08-19.895 P, Dalloz actualité, 8 janv. 2010, obs. A. Lienhard ; D. 2010. 745, note M. Laroche ; RTD com. 2010. 387, obs. M.-H. Monsèrié-Bon ).

8. Ensuite, on déduit de l’arrêt que l’associé dont la procédure de retrait est acceptée par la société ne peut plus librement disposer de ses parts sociales. Très concrètement, l’associé retrayant doit tout mettre en œuvre pour que son retrait soit effectif, ce qui doit le conduire, au besoin, à solliciter la désignation d’un expert de prix 1843-4 – ce qui était le cas en l’espèce – et, le cas échéant, à poursuivre en justice l’exécution forcée du remboursement de ses parts. En l’occurrence, on comprend que le seul fait de mettre en demeure la société d’avoir à payer le prix de rachat des parts est insuffisant. En tous les cas, cela ne permet pas de constater l’échec de la procédure de retrait.

9. Cette nécessité pour l’associé d’avoir à poursuivre la procédure de retrait à son terme ou encore à faire constater son échec soulève une question : celle de savoir à partir de quel moment le retrait d’un associé de société civile, sollicité sur le fondement de l’article 1869 du code civil, devient définitif. En d’autres termes, est-ce que l’associé retrayant dispose d’un droit de repentir et le cas échéant, à partir de quand sa décision de se retirer devient irrévocable ?

10. S’agissant de l’existence d’un droit de repentir au bénéfice de l’associé retrayant, une réponse positive nous semble pouvoir être apportée. Certes, cela n’est pas expressément dit par la Cour de cassation. Néanmoins, en approuvant la cour d’appel, qui insiste sur l’acceptation de la procédure par la société, la troisième chambre civile nous paraît bien admettre que la situation aurait pu être différente dans l’hypothèse où, précisément, cette procédure n’aurait pas encore été acceptée par la société.

Sur ce point, le choix de la formule « acceptation de la procédure de retrait » plutôt qu’ « acceptation du retrait » nous paraît tout à fait pertinent. Non...

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