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L’autonomie des ordonnances rendues par le juge de l’homologation

Les articles 1565, 1566 et 1567 du code de procédure civile, relatifs à la procédure d’homologation des accords auxquels sont parvenues les parties à une médiation, une conciliation, ou une procédure participative, instaurent un régime particulier distinct de celui de droit commun de l’ordonnance sur requête régie par les articles 493 et suivants du code de procédure civile et ne prévoient pas que l’ordonnance d’homologation, rendue à la requête de l’une seule des parties, est exécutoire au seul vu de la minute.

Il résulte de ce qui précède que lorsqu’une partie entend poursuivre l’exécution forcée d’une transaction, elle doit saisir le juge d’une requête à fin d’homologation. N’étant pas dissociable de la transaction à laquelle elle confère force exécutoire, l’ordonnance d’homologation doit, lorsqu’elle a été rendue à la requête de cette seule partie, être notifiée, conformément aux dispositions de l’article 503 du code de procédure civile, à la partie contre laquelle l’exécution est poursuivie.

C’est peu dire que les modes alternatifs de règlement des conflits sont portés par une volonté politique qui n’a, sans doute, jamais eu d’équivalent (v. not., L. Garnerie,  Éric Dupond-Moretti présente un plan d’action pour restaurer la place de la justice, Gaz. Pal. 10 janv. 2023, p. 3). Mais les textes censés en régir le fonctionnement, parce qu’ils manquent de lisibilité et de cohérence, n’incitent sans doute pas les acteurs économiques à s’engouffrer dans la voie de l’amiable. L’arrêt rendu le 26 octobre 2023 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation l’illustre à merveille.

Il n’est à l’évidence pas si rare que des personnes parviennent à mettre un terme au conflit qui les oppose en concluant un accord. Cet accord est susceptible de fonder des mesures d’exécution forcée lorsqu’il est constaté dans un procès-verbal de conciliation signé du juge et des parties, mais également lorsqu’une juridiction de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif lui confère force exécutoire (C. pr. exéc., art. L. 111-3, 1° et 3°). Mais, en dehors du cas où l’exécution de l’accord est volontaire, encore faut-il déterminer si l’ordonnance et l’accord auquel elle confère force exécutoire doivent préalablement être notifiés à celui à l’encontre duquel l’exécution est poursuivie, par application du premier alinéa de l’article 503 du code de procédure civile.

Telle est la problématique à laquelle a répondu la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans l’arrêt commenté.

Lorsqu’elle est formulée ainsi, la question ne présente pratiquement aucune difficulté : même si le premier alinéa de l’article 503 du code de procédure civile prévoit que « les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu’après leur avoir été notifiés, à moins que l’exécution n’en soit volontaire », il va de soi que le terme de « jugement » y est employé de manière générique pour englober l’ensemble des décisions juridictionnelles (R. Perrot et P. Théry, Procédures civiles d’exécution, 3e éd., Dalloz, 2013, n° 139). Mais encore faut-il décider, et c’était là le nœud gordien de l’affaire dans la présente affaire, si l’ordonnance ainsi rendue peut être exécutée « au seul vu de la minute » et ainsi être notifiée selon cette modalité simplifiée, la simple présentation de la minute suffisant alors à valoir notification (C. pr. civ., art. 503, al. 2).

La chose n’est pas évidente. Certains aspects de la procédure d’homologation d’un accord issu d’une transaction ou d’un accord issu d’une médiation conventionnelle, d’une conciliation conventionnelle ou d’une convention de procédure participative ne sont pas sans rappeler la procédure d’ordonnance sur requête dont le déroulement est organisé par les articles 493 et suivants du code de procédure civile. Le juge qui est saisi d’une demande d’homologation destinée à conférer force exécutoire à l’accord mettant fin au litige est ainsi saisi par voie de requête ; et, « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu la décision » (C. pr. civ., art. 1565 et 1566). De la sorte, il n’était pas impossible de soutenir que la procédure mise en place par les articles 1565 et 1566 du code de procédure civile ne constitue qu’une variété de procédure sur requête.

C’est dans cette voie qu’a cru bon de s’engager la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt rendu le 27 mai 2021 : la juridiction du second degré a ainsi jugé que la décision rendue au terme de la procédure prévue par les articles 1565 et 1566 du code de procédure civile « constitue une ordonnance sur requête » pour en déduire qu’elle est exécutoire au seul vu de la minute. C’était, sans le dire expressément, faire application du deuxième alinéa de l’article 495 du code de procédure civile qui prévoit que l’ordonnance sur requête « est exécutoire au seul vu de la minute ».

Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation n’a pas partagé cette...

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