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L’autorisation du juge de remettre une copie de l’ordonnance et de la requête après l’exécution de la mesure

Selon l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile, la copie de la requête et celle de la décision faisant droit à la requête sont laissées à la personne à laquelle elle est opposée. Il en résulte que, lorsqu’une cour d’appel infirme une ordonnance ayant rejeté la requête, seules la copie de cette requête et celle de l’arrêt tenant lieu d’ordonnance sur requête, à l’exclusion de la copie de l’ordonnance ayant rejeté la requête, sont laissées à la personne à laquelle cette décision est opposée. Cette exigence qui est fondée sur le respect du principe de la contradiction implique que cette remise ait lieu antérieurement à l’exécution des mesures d’instruction qu’elle ordonne, sauf si le juge des requêtes en a disposé autrement.

L’article 495 du code de procédure civile prévoit que « copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée ». Cette règle, tirée de la pratique menée par certains présidents de juridiction, est exprimée de manière succincte et pose bon nombre de difficultés de mise en œuvre. La Cour de cassation en résout deux à l’occasion de l’arrêt faisant l’objet du présent commentaire. Cette affaire présentait une originalité puisque c’est une cour d’appel qui, statuant sur le recours dirigé à l’encontre d’une ordonnance sur requête, avait ordonné des mesures.

La Cour de cassation juge que, « lorsqu’une cour d’appel infirme une ordonnance ayant rejeté la requête, seules la copie de cette requête et celle de l’arrêt tenant lieu d’ordonnance sur requête, à l’exclusion de la copie de l’ordonnance ayant rejeté la requête, sont laissées à la personne à laquelle cette décision est opposée » ; elle ajoute, en outre, que « cette exigence qui est fondée sur le respect du principe de la contradiction implique que cette remise ait lieu antérieurement à l’exécution des mesures d’instruction qu’elle ordonne, sauf si le juge des requêtes en a disposé autrement ».

Chacun de ces points mérite que l’on s’y arrête un instant.

Le moment de la remise de la copie de l’ordonnance et de la requête

L’article 495 du code de procédure civile, qui est assez vague, ne précise pas le moment auquel une copie de l’ordonnance et de la requête doit être laissée à celui auquel est opposée la décision juridictionnelle. La Cour de cassation a, dans l’arrêt commenté, synthétisé des solutions qui avaient déjà été affirmées : si la copie de l’ordonnance et de la requête doit, en principe, être laissée préalablement à l’exécution de la mesure (Civ. 2e, 10 févr. 2011, n° 10-13.894 P, Dalloz actualité, 27 févr. 2011, obs. C. Tahri ; D. 2011. 600 ; ibid. 2012. 244, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2011. 387, obs. R. Perrot ; v. égal. Civ. 2e, 14 janv. 2021, n° 20-15.673 P, Dalloz actualité, 16 mars 2021, obs. M. Kebir ; D. 2021. 543, obs. N. Fricero ; ibid. 2022. 431, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ; ibid. 625, obs. N. Fricero ; Rev. prat. rec. 2021. 7, chron. D. Cholet, O. Cousin, E. Jullien et R. Laher ; 14 janv. 2021, n° 19-25.206 NP ; 7 juin 2012, n° 11-15.490 P, Dalloz actualité, 12 juill. 2012, obs. C. Tahri ; D. 2012. 1623 ; ibid. 2826, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Darret-Courgeon ; RTD civ. 2012. 571, obs. R. Perrot ), le juge des requêtes peut en décider autrement et autoriser une remise plus tardive : pour reprendre les termes d’un précédent arrêt, le juge dispose du pouvoir de « retarder la notification de la décision » (Civ. 2e, 4 sept. 2014, n° 13-22.971 NP, D. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 2016. 167, obs. J.-D. Bretzner et A. Aynès ). Est ainsi consacrée, pour la première fois dans un arrêt publié, la faculté laissée au juge des requêtes d’autoriser une remise de la copie de l’ordonnance et de la requête postérieurement à l’exécution de la mesure. La Cour de cassation a fait cependant œuvre de prudence puisqu’elle a cantonné le jeu de ce principe et de cette exception au cas où est ordonnée une mesure d’instruction. Cela pourrait s’expliquer par le fait qu’il est préférable que la mesure d’instruction soit exécutée contradictoirement (J. Héron, T. Le Bars et K. Salhi, Droit judiciaire privé, 7e éd., LGDJ, 2019, n° 571 [note 42]). Mais, pour tout type de mesures, la remise d’une copie de l’ordonnance et de la requête avant l’exécution des mesures paraît toujours préférable car, à défaut, il est à craindre que les documents ne soient jamais laissés. Suivant cette logique, lorsqu’est ordonnée une mesure d’instruction, le juge qui retarde la remise d’une copie de l’ordonnance et de la requête devrait en encadrer les modalités : tel était d’ailleurs le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 4 septembre 2014.

La solution mérite quelques explications.

1. Il n’est pas si facile d’identifier la finalité poursuivie par la remise de la copie de l’ordonnance et de la requête prévue par l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile.

Parce que l’ordonnance sur requête est rendue non contradictoirement, il est aisé d’y voir un mécanisme informatif destiné à permettre au destinataire de la remise d’apprécier l’utilité d’exercer un référé tendant à la rétractation de l’ordonnance : lorsque le contentieux est inversé, « l’adversaire potentiel doit être clairement infirmé de ce que l’on attend de lui, des menaces auxquelles il se trouve exposé, et enfin des modalités requises pour soulever une contestation devant un juge » (R. Perrot, « L’inversion du contentieux (ou les prouesses de l’ordonnance sur requête) », Justices et droits fondamentaux. Études offertes à Jacques Normand, Litec, 2003, p. 387, spéc. n° 11). C’est dans cette direction que, dans plusieurs arrêts, s’est ostensiblement orientée la jurisprudence de la Cour de cassation en soulignant que les exigences de l’article 495 du code de procédure civile sont « destinées à faire respecter le principe de la contradiction » (Civ. 1re, 1er déc. 2016, n° 15-28.803 NP, D. 2017. 1996, obs. P. Crocq ; Civ. 2e, 1er sept. 2016, n° 15-23.326 P, Dalloz actualité, 21 sept. 2016, obs. M. Kebir ; Just. & cass. 2017. 117, rapp. M. Kermina ; AJDI 2016. 782 ; RTD civ. 2017. 484, obs. N. Cayrol ; 10 févr. 2011, n° 10-13.894 P, Dalloz actualité, 27 févr. 2011, obs. C. Tahri ; D. 2011. 600 ; ibid. 2012. 244, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2011. 387, obs. R. Perrot ; 4 juin 2009, n° 08-13.498 NP ; 9 avr. 2009, n° 08-12.503 NP ; 10 janv. 2008, n° 06-21.816 P, D. 2008. 301 ; 13 juill. 2006, n° 05-13.976 P, D. 2007. 1380 , obs. P. Julien ; AJDI 2006. 761 ; 18 nov. 2004, n° 02-20.713 P, D. 2004. 3195, et les obs. ; RTD civ. 2005. 185, obs. R. Perrot ). Est alors incidemment réglé le problème de savoir à qui doit être remise la copie de l’ordonnance et de la requête : c’est sans nul doute l’adversaire, la personne défenderesse au procès actuellement pendant ou envisagé, qui est le plus intéressé à se voir remettre une copie de l’ordonnance et de la requête afin de rétablir un débat contradictoire (Civ. 2e, 9 avr. 2009, n° 08-12.503 NP, préc. ; 10 janv. 2008, n° 06-21.816 P, préc.). C’est naturellement à son égard qu’il doit être justifié que la mesure soit ordonnée non contradictoirement et non à l’égard d’un éventuel tiers auquel on demanderait simplement de collaborer à la mesure. Lorsqu’est ordonnée une...

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