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L’essor de la notion de caducité en matière de crédit-bail

Aux termes d’un arrêt de chambre mixte, la Cour de cassation juge désormais que la résolution du contrat de vente entraîne la caducité du contrat de crédit-bail et non pas sa résolution ou sa résiliation.

par Jean-Denis Pellierle 4 mai 2018

La notion de caducité, inconnue du code civil de 1804, prend son envol en matière de crédit-bail, comme en témoigne l’important arrêt rendu par une chambre mixte de la Cour de cassation le 13 avril 2018. En l’espèce, la société Aptibois avait commandé un camion équipé d’un plateau et d’une grue à la société LPL 77, le bon de commande prévoyant que la charge utile restante du véhicule devait être de huit cent cinquante kilogrammes au minimum. Pour l’acquisition de ce véhicule, un contrat de crédit-bail mobilier avait été conclu avec une banque, ce contrat prévoyant le versement de quatre-vingt-quatre loyers mensuels.

Le camion a été livré avec une carte grise et un procès-verbal de contrôle de conformité initial faisant apparaître une charge utile conforme à la commande et à la plaque administrative. Par la suite, la société venderesse a adressé sa facture à la banque. Mais une pesée après déchargement, consécutive à un contrôle de police, et un procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice, a révélé que le poids à vide du véhicule était supérieur à celui indiqué sur le certificat d’immatriculation et que la charge disponible était inférieure à celle contractuellement prévue. La société Aptibois a donc assigné la société LPL 77, qu’elle avait vainement mise en demeure de résoudre le problème, ainsi que la banque, en nullité de la vente et du contrat de crédit-bail et en restitution des loyers versés.

Concernant la vente, la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 6 mai 2016 (n° 15/12694), en a prononcé la résolution et a condamné le vendeur à en restituer le prix à la banque et à récupérer le véhicule auprès de celle-ci. Ils sont approuvés par la Cour de cassation, considérant « qu’ayant relevé que le véhicule livré à la société Aptibois n’était pas conforme aux spécifications prévues au bon de commande en ce que la charge utile restante était inférieure à huit cent cinquante kilogrammes, malgré les indications contraires figurant sur les documents, la cour d’appel, procédant à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision de prononcer la résolution de la vente ».

Mais l’apport essentiel de l’arrêt commenté réside dans le sort réservé au contrat de crédit-bail. Les juges du fond avaient prononcé la caducité de ce contrat et condamné la banque à restituer les loyers versés. Celle-ci conteste cette solution, arguant du fait que le contrat de crédit-bail, qui aboutit à l’accès à la propriété du crédit-preneur, se distingue du contrat de location financière. Or seule l’interdépendance entre les contrats concomitants ou successifs s’inscrivant dans une opération incluant une location financière emporte caducité du contrat de location financière en raison de la résiliation du contrat dominant et oblige le bailleur à restituer les loyers. Par conséquent, en prononçant la caducité du contrat de crédit-bail mobilier et en condamnant la banque à restituer à la société Aptibois les loyers versés en exécution de ce contrat, la cour d’appel aurait violé l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l’ordonnance du 10 février 2016.

L’argumentation de la banque, conforme à la jurisprudence antérieure, était donc fondée sur la différence de nature entre le crédit-bail et la location financière. Mais la chambre mixte réunie pour trancher cette délicate question rejette le pourvoi en nous livrant une motivation très claire, retraçant, comme elle a pris l’habitude de le faire, la jurisprudence en la matière : « Mais attendu que la Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que la résolution du contrat de vente entraînait nécessairement la résiliation du contrat de crédit-bail, sous réserve de l’application de clauses ayant pour objet de régler les conséquences de cette résiliation (Cass., ch. mixte, 23 nov. 1990, n° 86-19.396, n° 88-16.883 et n° 87-17.044, Bull. ch. mixte, nos 1 et 2 ; Com. 12 oct. 1993, n° 91-17.621, Bull. civ. IV, n° 327 ; RTD com. 1994. 351, obs. B. Bouloc ; 28 janv. 2003, n° 01-00.330 ; 14 déc. 2010, n° 09-15.992) ;

Que, par ailleurs, il a été jugé que les contrats concomitants ou successifs qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants (Cass., ch. mixte, 17 mai 2013, nos 11-22.768 et 11-22.927, Bull. ch. mixte, n° 1 ; D. 2013. 1658 , note D. Mazeaud ; ibid. 2487, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2014. 630, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; RTD civ. 2013. 597, obs. H. Barbier ; RTD com. 2013. 569, obs. D. Legeais ) et que l’anéantissement de l’un quelconque d’entre eux entraîne la caducité, par voie de conséquence, des autres (Com. 12 juill. 2017, n° 15-27.703, à paraître au Bulletin ; D. 2017. 1468 ; ibid. 2176, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2328, chron. A.-C. Le Bras, F. Jollec, T. Gauthier, S. Barbot et S. Tréard ; ibid. 2018. 371, obs. M. Mekki ; AJ Contrat 2017. 429 , obs. S. Bros ; RTD civ. 2017. 846, obs. H. Barbier ; RTD com. 2017. 671, obs. D. Legeais ) ;
Que, si cette dernière jurisprudence n’est pas transposable au contrat de crédit-bail mobilier, accessoire au contrat de vente, la caducité qu’elle prévoit, qui n’affecte pas la formation du contrat et peut intervenir à un moment où celui-ci a reçu un commencement d’exécution, et qui diffère de la résolution et de la résiliation en ce qu’elle ne sanctionne pas une inexécution du contrat de crédit-bail mais la disparition de l’un de ses éléments essentiels, à savoir le contrat principal en considération duquel il a été conclu, constitue la mesure adaptée ;

Qu’il y a lieu, dès lors, modifiant la jurisprudence, de décider que la résolution du contrat de vente entraîne, par voie de conséquence, la caducité, à la date d’effet de la résolution, du contrat de crédit-bail et que sont inapplicables les clauses prévues en cas de résiliation du contrat ;
Que c’est donc à bon droit que la cour d’appel a retenu que le crédit-preneur...

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