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Article
L’État devra indemniser des victimes de la Dépakine
L’État devra indemniser des victimes de la Dépakine
Pour le tribunal administratif de Montreuil, l’État a commis des fautes dans sa mission de police du médicament. Mais sa responsabilité est atténuée par celles du fabricant de la Dépakine et des médecins prescripteurs.
par Marie-Christine de Monteclerle 15 juillet 2020
Le tribunal administratif de Montreuil a condamné, le 2 juillet 2020, l’État à indemniser partiellement trois familles dont les enfants souffrent de diverses malformations dues à l’exposition in utero au valproate de sodium.
Les effets délétères de ce produit sur les enfants de mères ayant pris pendant leur grossesse l’antiépileptique Dépakine ont été reconnus par le législateur. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 a mis en place une procédure de réparation par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux. La LFSS pour 2020 a posé, dans ce cadre, une présomption d’imputabilité du préjudice au manque d’information de la mère (CSP, art. L. 1142-24-12). Cette présomption toutefois ne s’impose qu’au collège d’experts placé auprès de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, juge le tribunal, et pas dans le cas qui lui était soumis d’une action en responsabilité fondée sur les manquements de l’État dans l’exercice de ses pouvoirs de police sanitaire.
Il estime néanmoins, au regard des connaissances scientifiques et des expertises que « doivent être présumés imputables à l’exposition in utero au valproate de sodium, les anomalies morphologiques faciales, squelettiques et des extrémités, les malformations, les troubles cognitifs et/ou comportementaux, les atteintes organiques variables dès lors qu’ils ne sont imputables à aucune autre cause et que le traitement au valproate de sodium s’est poursuivi au cours de la grossesse ».
Responsabilité atténuée
Il considère également que la responsabilité de l’État peut être engagée par « toute faute commise dans l’exercice » de ses pouvoirs de police sanitaire relative aux médicaments. Pour apprécier l’existence d’une telle faute, le tribunal a dû reconstituer l’histoire des soupçons, devenus certitude, sur le caractère toxique de la Dépakine pour le fœtus. En effet, les grossesses pour lesquelles la responsabilité de l’État était recherchée remontaient à 1981, 1985, 2006 et 2008. La première étude ayant émis l’hypothèse de la responsabilité du médicament pour des malformations remonte à 1981, l’État n’est pas responsable du préjudice d’un enfant né en avril de la même année. En 1985, la responsabilité de l’État n’est engagée que pour le risque de malformation, qui était connu, mais pas pour celui de troubles neuro-développementaux, qui ne l’était pas. Pour les enfants nés en 2006, les risques étaient connus. Or ils n’étaient correctement précisés ni par le résumé des caractéristiques techniques (RCP), destiné aux médecins, ni par la notice destinée aux patients. En 2008, le RCP était conforme aux données de la science, mais par la notice, ce qui a privé les mères d’une réelle connaissance du risque. Dans tous les cas, la responsabilité de l’État est partiellement atténuée par les fautes commises par le laboratoire et les médecins prescripteurs.
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