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L’histoire sans fin des prêts libellés en francs suisses

La disposition relative au risque de change a pour seul objet d’attirer l’attention de l’emprunteur sur le fait qu’il devrait intégralement supporter le risque en cas d’évolution défavorable du taux de change, mais ne crée en elle-même aucun déséquilibre significatif entre le prêteur et l’emprunteur, dès lors qu’elle ne met pas à la seule charge de celui-ci toute évolution du taux de change.

par Jean-Denis Pellierle 18 juin 2019

Les prêts libellés en francs suisses reviennent une nouvelle fois sur le devant de la scène avec un arrêt rendu par la première chambre civile le 22 mai 2019. En l’espèce, suivant acte notarié du 25 novembre 2004, une banque a consenti à deux personnes un prêt d’un montant correspondant à la contre-valeur en francs suisses de la somme de 260 000 €, remboursable en quatre-vingts échéances trimestrielles moyennant un taux d’intérêt annuel révisable fixé initialement à 1,67 %. Invoquant un manquement de la banque à son devoir de conseil, de mise en garde et d’information, ainsi que le caractère ruineux du prêt, l’un des emprunteurs a assigné la banque en déchéance du droit aux intérêts et en remboursement des sommes indûment versées. La cour d’appel de Colmar ayant rejeté ses prétentions dans un arrêt du 3 mai 2017, l’intéressé se pourvut en cassation. Le pourvoi est cependant rejeté : « Mais attendu que l’arrêt relève qu’il était expressément convenu dans le contrat que le risque de change serait supporté en totalité par l’emprunteur, conformément aux dispositions de la réglementation des changes, et qu’en conséquence, le prêt ne pourrait faire l’objet d’une couverture du risque de change par achat à terme par l’emprunteur que dans la mesure où la réglementation des changes l’autoriserait, et que l’emprunteur reconnaissait avoir été informé par le prêteur du risque particulier lié à ce type de prêt, notamment par la notice d’information sur le prêt en devises qui était annexée au contrat ; qu’il retient que la disposition relative au risque de change avait pour seul objet d’attirer l’attention de l’emprunteur sur le fait qu’il devrait intégralement supporter le risque en cas d’évolution défavorable du taux de change, mais qu’elle ne crée en elle-même aucun déséquilibre significatif entre le prêteur et l’emprunteur, dès lors qu’elle ne met pas à la seule charge de celui-ci toute évolution du taux de change ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a fait ressortir l’absence de caractère abusif de la clause litigieuse ».

Le raisonnement des juges du fond est donc pleinement approuvé par la Cour régulatrice, tant sur le terrain du manquement aux devoirs d’information, de conseil et de mise en garde (sur la distinction de ces différents devoirs, v. F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., Dalloz, 2018, n° 331) que sur celui des clauses abusives. S’agissant de ces dernières, il faut, au demeurant, rappeler que l’objet principal du contrat est en cause et qu’en conséquence, les règles relatives aux clauses abusives ne sauraient trouver à s’appliquer, du moins si les clauses sont rédigées de façon claire et compréhensible (V. déjà, Civ. 1re, 13 mars 2019, n° 17-23.169, Dalloz actualité, 1er avr. 2019, obs. J.-D. Pellier , note A. Etienney-de Sainte Marie ; 20 févr. 2019, nos 17-31.065 et 17-31.067, Dalloz actualité, 5 mars 2019, obs. J.-D. Pellier , note D. Mazeaud ; ibid. 2106, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2019. 279, obs. M. Mekki ; ibid. 607, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJDI...

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