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L’impunité des criminels, la persévérance des juges

Dans un arrêt du 4 avril 2022, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris réitère son interprétation extensive de l’article 689-11 du Code de procédure pénale, à rebours de l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 24 novembre 2021.

Une plainte est déposée le 26 juin 2019, dénonçant des faits de tortures et actes de barbarie, crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis entre 2012 et 2018 en Syrie par le groupe salafiste Jaysh Al-Islam. Parmi les cinq personnes visées par la plainte, l’ancien porte-parole de l’organisation est interpellé à Marseille après l’ouverture d’une enquête préliminaire faisant suite à l’information, fournie par les plaignants au parquet, de sa présence sur le territoire français. Celui-ci est finalement mis en examen des chefs de torture, complicité de torture, complicité de disparitions forcées, de crimes de guerre ou complicité de crimes de guerre et de participation à un groupement formé en vue de la préparation de crimes de guerre. Par une requête du 23 juillet 2020, son avocat sollicite l’annulation, d’une part, des réquisitoires introductif et supplétif et de l’interrogatoire de première comparution en invoquant l’incompétence des juridictions françaises ; et, d’autre part, l’annulation de la mise en examen de son client pour défaut d’indices graves ou concordants. La chambre de l’instruction rejette l’ensemble des moyens de nullité soulevés par le mis en examen.

Une compétence « universelle » verrouillée

L’arrêt rendu le 4 avril 2022 par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris est riche en développements relatifs aux indices fondant la mise en examen du requérant, ainsi qu’à la compétence des juridictions françaises pour connaître des crimes de torture et de disparition forcée dénoncés en l’espèce. Il est surtout une nouvelle occasion de se pencher, s’agissant en particulier des crimes de guerre, sur l’article 689-11 du code de procédure pénale, que d’aucuns distinguent des autres cas de compétence universelle (y voyant plutôt une « compétence internationale spécifique », voire une « compétence extraterritoriale subsidiaire, pour ne pas dire résiduelle », v. RSC 2019. 479, obs. A. Giudicelli ).

En effet, contrairement aux autres articles du même chapitre, l’article 689-11 ne doit pas être lu en conjonction avec l’article 689-1, auquel il ne fait nullement référence. À l’habituelle double condition de la présence sur le territoire français du suspect et d’une compétence exercée en application d’une convention internationale ou d’un acte européen, est substituée une quadruple condition de résidence habituelle du suspect sur le territoire français ; de l’incrimination des faits par l’État du lieu de leur commission, lorsque cet État ou celui dont le suspect est ressortissant n’est pas partie au statut de Rome instituant la Cour pénale internationale (à l’exception, depuis la loi du 23 mars 2019, du génocide) ; d’une requête préalable du parquet national antiterroriste, en l’absence d’une demande de remise ou d’extradition de l’intéressé par une juridiction nationale ou internationale ; et, enfin, de l’absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale, de l’absence de demande de remise de l’intéressé par une autre juridiction internationale compétente, et de l’absence de demande d’extradition par un autre État. En dépit des quelques modifications opérées en 2019, cette forme spécifique de compétence universelle demeure donc « ultra-verrouillée » (Rép. pén., v°...

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