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L’inapplicabilité de l’article 6 de la Convention européenne à la procédure disciplinaire pénitentiaire

Le Conseil d’État rappelle que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme n’est pas applicable aux procédures disciplinaires pénitentiaires, au regard de la nature administrative de l’autorité prononçant la sanction disciplinaire.

Dans une décision du 23 novembre 2022, le Conseil d’État est venu rappeler sa jurisprudence en matière de droit disciplinaire pénitentiaire. Plus précisément, il confirme que les garanties du procès équitable, telles qu’elles sont prévues par les volets pénal et civil de l’article 6, § 1er, de la Convention européenne des droits de l’homme, ne sont pas applicables au procès disciplinaire pénitentiaire.

Le contexte

En l’espèce, un individu se voit infliger une sanction de confinement en cellule ordinaire d’une durée de cinq jours par la présidente de la commission de discipline du centre pénitentiaire où il est détenu. Confirmée par une décision du directeur interrégional des services pénitentiaires (à l’issue d’un recours préalable obligatoire), la décision est ensuite contestée devant le tribunal administratif, qui l’annule sur la demande de la personne détenue. La cour administrative d’appel (CAA) prononce alors un arrêt infirmatif et a rejette la demande présentée par l’intéressé devant le tribunal administratif. Finalement, au soutien de son pourvoi devant le Conseil d’État, le requérant avance que la CAA a commis une erreur de droit en jugeant inopérant, à l’encontre de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 6 de la Convention européenne.

Devant le Conseil d’État, le requérant soutient d’abord que le directeur interrégional des services pénitentiaires est une autorité incompétente pour engager des poursuites (§ 3). À ce titre, la CAA avait considéré qu’au regard de la délégation de signature qui lui avait été accordée en date du 24 juillet 2017, puis publiée au recueil des actes administratifs, la délégation de signature avait « constitué une mesure de publicité adéquate » (§ 3). Dès lors, c’est à bon droit que la CAA, qui s’était fondée sur les articles R. 57-7-5 et R. 57-7-15 du code de procédure pénale, rejette l’argument porté par le requérant.

Ensuite, lors de la procédure devant la commission de discipline, le requérant soutient qu’il n’a pas pu s’assurer que l’assesseur pénitentiaire n’avait pas établi lui-même le compte rendu d’incident ou le rapport qui y faisait suite, puisque seules les initiales du prénom et du nom de l’agent étaient mentionnées sur ces documents (C. pr. pén., art. R. 57-7-13 ; art. R. 57-7-14). Dès lors, il se prévaut d’une méconnaissance des garanties qui lui sont reconnues, et donc d’un vice de procédure (§ 5). Ici, selon le Conseil d’État, d’une part, « les mentions figurant dans le registre des sanctions permettent de s’assurer que les garanties prévues par les articles R. 57-7-8, R. 57-7-13 et R. 57-7-14 sont respectées » (§ 6). D’autre part, « les dispositions de l’article R. 57-6-9 du code de procédure pénale autorisent l’administration pénitentiaire à occulter l’identité du premier assesseur » (§ 6). Toutefois, le Conseil d’État reconnaît que la CAA s’est fondée à tort sur cette dernière disposition pour rejeter ce moyen, qui était seulement applicable à la procédure contradictoire antérieure à la réunion de la commission de discipline (§ 9). En effet, en l’espèce, elle aurait d’ailleurs dû se fonder sur l’article L. 111-2 du code des relations entre le public et l’administration : « […] Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l’anonymat de l’agent est respecté ». Toutefois, le Conseil valide la motivation de la CAA et rejette le moyen soulevé par le requérant (§ 10).

Enfin, et c’est là que semble résider tout l’intérêt de cette décision, le requérant se prévaut d’une violation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme à l’encontre de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires (§ 12).

L’inapplicabilité du volet pénal de l’article 6 à la procédure disciplinaire pénitentiaire

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