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L’incrimination d’achat d’acte sexuel n’est pas contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme… pour le moment

La Cour européenne des droits de l’homme a retenu que l’incrimination de l’achat d’actes sexuels telle que prévue par la loi française ne constitue pas une violation du droit au respect de la vie privée, de l’autonomie personnelle et de la liberté sexuelle des travailleurs du sexe. Elle se fonde en particulier sur les divergences d’opinions existantes sur les questions morales et éthiques posées par la prostitution. 

La requête

Les requérants sont 261 hommes et femmes – travailleurs du sexe – de diverses nationalités. Ils soutiennent que l’incrimination en droit pénal français de l’achat de relations de nature sexuelle met dans un état de grave péril l’intégrité physique et psychique et la santé des personnes qui, comme eux, pratiquent l’activité de prostitution, et qu’elle porte radicalement atteinte à leur droit au respect de leur vie privée, ainsi qu’à celui de leurs clients, en ce qu’il comprend le droit à l’autonomie personnelle et à la liberté sexuelle. Les requérants arguent de l’inefficacité de la mesure portant sur l’incrimination de l’achat d’actes sexuels en tant que moyen de lutte contre la traite des êtres humains et préconisent une autre approche dans ce domaine, qui, selon eux, serait plus à même de prévenir les risques inhérents à leur activité et de garantir l’ensemble de leurs droits. Ainsi, ils considèrent que cette incrimination constitue une violation des articles 2, 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

La procédure devant les juridictions nationales

Une part des requérants et des associations avaient saisi le Premier ministre d’une demande tendant à l’abrogation du décret n° 2016-1709 du 12 décembre 2016 relatif notamment au stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, qui est une peine complémentaire instaurée par la loi du 13 avril 2016. En l’absence de réponse positive, ils ont saisi le Conseil d’État d’une demande d’annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite de rejet du Premier ministre. Ils profitèrent de cette procédure pour inviter le Conseil d’État à renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité aux droits et libertés, notamment au droit au respect de la vie privée, de l’arsenal répressif en la matière. Le 1er février 2019, la Conseil constitutionnel a déclaré cet arsenal répressif conforme à la Constitution. Dans le prolongement, le Conseil d’État, par une décision du 7 juin 2019, rejetait la requête en écartant le moyen tiré de la violation de l’article 8 de la Convention. Il retenait en particulier que « dès lors qu’elle est contrainte, la prostitution est incompatible avec les droits et la dignité de la personne humaine. Le choix de prohiber la demande de relations sexuelles tarifées par l’incrimination instituée par les dispositions contestées de la loi du 13 avril 2016 repose sur le constat […] que, dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite d’êtres humains qui sont rendus possibles par l’existence d’une telle demande. Dans ces conditions, alors même...

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