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L’indemnité de rupture conventionnelle ne peut pas être inférieure à l’indemnité conventionnelle de licenciement

Quelles sont les règles de calcul de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ? Dans un arrêt du 10 janvier 2024, la Cour de cassation offre de nombreux éléments de réponse. 

IRC = ILL. – En principe, selon l’article L. 1237-13 du code du travail, « la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 ». La lettre exclut donc l’indemnité conventionnelle de licenciement. Dans le même ordre d’idées, la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 3 juin 2015, que « l’article L. 1237-13 du code du travail se réfère aux seules dispositions de l’article L. 1234-9 du même code, de sorte que le calcul du minimum de l’indemnité est celui prévu par les articles R. 1234-1 et R. 1234-2 de ce code » (Soc. 3 juin 2015, n° 13-26.799 P, D. 2015. 1276 ; ibid. 1384, chron. E. Wurtz, F. Ducloz, C. Sommé, S. Mariette et N. Sabotier ; Dr. soc. 2015. 746, obs. J. Mouly ; RDT 2015. 458, obs. G. Auzero ; Légipresse 2015. 396 et les obs. ; ibid. 480, comm. F. Gras ), écartant l’indemnité spéciale des journalistes prévue à l’article L. 7112-3 du code du travail. Une telle solution se justifierait par l’autonomie de la rupture conventionnelle, distincte du licenciement, comme en matière de mise à la retraite (Soc. 3 mars 2009, n° 08-41.112, inédit).

IRC = ICL. – Aux termes de l’avenant n° 4 du 18 mai 2009 à ANI sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008, l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle « doit être au moins égale à l’indemnité conventionnelle de licenciement, dès lors que cette dernière s’avère plus favorable, pour le salarié, que l’indemnité légale ». Son extension par l’arrêté du 26 novembre 2009 rend l’avenant obligatoire, à l’égard de tous les employeurs entrant dans le champ d’application de l’ANI, au titre des conventions conclues depuis le 28 novembre 2009. L’avenant ne s’applique pas aux entreprises qui ne sont pas membres d’une des organisations signataires de cet accord et dont l’activité ne relève pas du champ d’application d’une convention collective de branche signée par une fédération patronale adhérente du Mouvement des entreprises de France (MEDEF), de l’Union professionnelle artisanale (UPA) ou de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CGPME). Ainsi, ne sont notamment pas soumis à ces dispositions les particuliers employeurs, les employeurs des professions agricoles et des professions libérales, du secteur de l’économie sociale, du secteur sanitaire et social, et les entreprises relevant du secteur de la presse (Soc. 27 juin 2018, n° 17-15.948, RJS 10/2018, n° 592).

Si la solution est conforme au droit des accords interprofessionnels qui limite leur force obligatoire et impérativité à la représentation et la représentativité des organisations patronales signataires en cas d’arrêté d’extension (Soc. 6 avr. 2016, n° 14-12.724 P, Dalloz actualité, 3 mai 2016, obs. J. Cortot ; D. 2016. 843 ; RJS 6/2016, n° 438 ; C. trav., art. L. 2261-15), il n’est pas certain qu’elle soit conforme aux intentions des partenaires sociaux. Dans son rapport annuel de 2015, la Cour de cassation relève que le procès-verbal d’interprétation n° 1 de l’accord interprofessionnel du 11 janvier 2008, signé le 15 décembre 2008, précise que les « dispositions conventionnelles » visées à l’article 11 renvoient aux indemnités de licenciement prévues par la convention collective applicable ; « c’est donc bien le montant des indemnités de licenciement prévues par la convention collective auquel renvoie l’article 12 » et qui, « lorsqu’il est supérieur au montant de l’indemnité légale de licenciement, doit constituer le plancher de l’indemnité spécifique due en cas de rupture conventionnelle ». La Cour de cassation suggère « de modifier l’article L. 1237-13 du code du travail afin de prévoir que l’indemnité spécifique de rupture ne peut être inférieure à l’indemnité de licenciement prévue par un accord collectif ou des dispositions légales plus favorables », afin « de renforcer les droits des salariés parties à une convention de rupture et d’éviter de laisser perdurer une différence de régime entre les salariés selon que leur employeur est ou non lié par l’accord national interprofessionnel » (Rapport annuel, Cour de cassation 2015, Direction de l’information légale et administrative, Paris, 2016, p. 69 et 70).

Questions. – En tout état de cause, en procédant à un tel renvoi, le calcul de l’indemnité de rupture conventionnelle soulève des difficultés d’interprétation des stipulations conventionnelles relatives à l’indemnité de licenciement, surtout lorsque l’on songe à la prise en compte de l’ancienneté en fonction du préavis qui est exclu en matière de rupture conventionnelle. C’est à certaines de ces questions que la Cour de cassation répond dans son arrêt du 10 janvier 2024. En l’espèce, un salarié, ayant 18 ans d’ancienneté dans une entreprise soumise à la convention collective des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, signe, le 12 octobre 2017, signe une convention de rupture du contrat de travail, la rupture ayant pris effet le 19 novembre suivant. L’employeur fait grief à l’arrêt d’appel de le condamner à payer au salarié une somme à titre de complément d’indemnité de rupture conventionnelle en contestant les bases de calcul retenues.

Dans un premier temps, pour l’employeur, il fallait retenir, comme base de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement, la rémunération du mois précédant la date de la rupture fixée par la convention de rupture, et non celle du mois précédant sa signature. Etaient en cause des primes d’intéressement et de participation versées en septembre 2017. Mais, pour la Cour cassation, en application de l’avenant du 18 mai 2009 à l’ANI du 11 janvier 2008 et l’article 14-3 de la CCN, si la base de calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement est la rémunération totale mensuelle gagnée par le cadre pendant « le mois précédant le préavis de congédiement » et qu’« elle ne saurait être inférieure à la moyenne des rémunérations mensuelles des douze mois précédant le congédiement », « la cour d’appel a exactement décidé qu’en l’absence de licenciement et d’exécution de préavis, il convenait de prendre en compte le salaire du mois précédant la signature de la...

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