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L’indivisibilité sauve de tout, ou presque.

En cas d’indivisibilité du litige, l’appelant peut former un nouvel appel à l’encontre de la partie omise sur son premier acte d’appel postérieurement à son délai imparti pour conclure et avant l’audience de plaidoirie.

Le 18 juin 2020, une partie interjette appel devant la cour d’appel de Reims d’un jugement rendu dans un litige d’indivision. S’apercevant qu’elle avait omis l’un des membres de l’indivision dans cette matière éminemment indivisible, elle l’assigne en appel provoqué le 31 août 2020. Les intimés saisissent le Conseiller de la mise en état aux fins de voir juger irrecevable l’appel provoqué et celui-ci le déclare effectivement irrecevable selon ordonnance du 3 novembre 2020. Le 9 mars 2021, soit quelques jours avant l’audience de plaidoirie prévue le 23 mars 2021, l’appelant forme un appel contre la partie manquante sur son premier acte d’appel, mais la cour le déclare irrecevable motif pris que le second appel aurait dû « être formé dans le délai de trois mois pour conclure offert à l’appelant par les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile ». La 2ème Chambre civile casse, annule l’arrêt et renvoie les parties devant la cour d’appel de Douai en apportant la solution suivante : « Vu les articles 552 et 553 du code de procédure civile :
8. Il résulte de ces textes qu’en cas d’indivisibilité à l’égard de plusieurs parties, d’une part, l’appel dirigé contre l’une d’elles réserve à l’appelant la faculté d’appeler les autres à l’instance, d’autre part, l’appel formé contre l’une n’est recevable que si toutes sont appelées à l’instance. L’appelant dispose, jusqu’à ce que le juge statue, de la possibilité de régulariser l’appel en formant une seconde déclaration d’appel pour appeler en la cause les parties omises dans sa première déclaration.
9. Pour déclarer irrecevable l’appel de la société Mat Isa dirigé contre M. [R] [A], M. [H] [A], Mme [B] [A], M. [S] [A], Mme [U] [A] et Mme [N] [O] veuve [A], propriétaires indivis de la parcelle AI [Cadastre 7], l’arrêt retient que dans la mesure où les deux déclarations d’appel ne forment qu’un et se complètent, la seconde doit être formée dans le délai de 3 mois pour conclure offert à l’appelant par les dispositions de l’article 908 du code de procédure civile et courant à compter de la déclaration d’appel, et que la seconde déclaration d’appel ayant été faite à Mme [U] [A] le 9 mars 2021, l’appel est irrecevable, le délai de 3 mois ayant couru à compter du 18 juin 2020.
10. En statuant ainsi, alors que par déclaration formée avant l’audience du 23 mars 2021, l’appelante avait régularisé la procédure, la cour d’appel, qui ne pouvait déclarer l’appel irrecevable, a violé les textes susvisés ».

Seule contre tous

Par pure provocation, on dira que l’erreur de la cour d’appel est bien plus intéressante que la solution de la Cour de cassation ! Car cette dernière avait déjà statué en ce sens par plusieurs arrêts publiés, tandis que cette méprise, isolée, des juges d’appel, a finalement valeur pédagogique et permet d’écarter les risques de confusion.

La cour d’appel de Reims avait estimé que dès lors que les deux actes d’appel ne formaient qu’un et se complétaient, le second devait intervenir dans le délai de trois mois du premier, soit au plus tard le 18 septembre 2020 s’agissant d’un appel formé le 18 juin 2020. Mais pour séduisante qu’elle fut, cette thèse ne pouvait s’imposer, et encore moins dans un litige indivisible. Deux raisons essentielles à cela, la première ne résultant toutefois pas de l’arrêt.

L’irrecevabilité, fin de non-recevoir (la tardiveté du recours en est une d’ordre public par application de l’art. 125 c. pr. civ.) répond au régime de la régularisation de l’article 126 : « Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d’être régularisée, l’irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. Il en est de même lorsque, avant toute forclusion, la personne ayant qualité pour agir devient partie à l’instance ». La cour eut pu, à la rigueur, se placer sur le terrain de la forclusion du délai d’appel, en l’espèce d’un mois, pour encadrer le délai de réitération de l’appel, mais elle ne pouvait se référer au délai de trois mois de l’article 908 imparti, à peine de caducité, pour conclure à l’irrecevabilité de l’appel. C’était là une première erreur de droit.

La seconde erreur naît d’une confusion de la lecture des arrêts de cassation qui encadrent la régularisation, dans le seul délai imposé à l’appelant pour conclure, lorsque l’appel est irrégulier. Car ce cadre voulu par référence au délai pour conclure n’a pas valeur universelle, il se rencontre dans deux cas.

Si l’on évacue d’emblée la nullité de fond ou de forme qui est toujours interruptive du délai de forclusion d’appel par application de l’article 2241 du code civil et de la jurisprudence, constante depuis 2014 – la régularisation peut intervenir à compter du prononcé de la nullité déclenchant un nouveau délai pour former appel ou bien au cours de la même instance quand bien même le délai d’appel serait expiré – restent deux hypothèses dans lesquelles la deuxième chambre civile a posé pour référence une régularisation dans le délai pour conclure. À chaque fois, et ce n’est bien évidemment pas un hasard, l’irrégularité qui affectait le contenu de l’acte concernait les chefs de jugement critiqués.

Ainsi, la sanction encourue par l’acte...

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