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L’interprétation convergente des effets restrictifs de concurrence en droit des pratiques anticoncurrentielles

Il n’est pas nouveau, en droit de la concurrence, qu’une entente puisse être réprimée, au titre de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, si les effets restrictifs de concurrence qu’elle produit sont seulement potentiels, dès lors qu’ils sont suffisamment sensibles. C’est ce que rappelle classiquement la Cour de justice de l’Union européenne dans une décision du 5 décembre 2024. Allant plus loin, elle établit explicitement un parallèle entre l’article 101 et l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – ce dernier prohibant les abus de proposition dominante – en énonçant que, en ce qui concerne la démonstration d’effets anticoncurrentiels, l’interprétation faite de l’article 101 correspond à celle de l’article 102, ce qui mérite d’être souligné.

En droit des pratiques anticoncurrentielles, il est acquis que la preuve d’une entente par l’effet implique la démonstration d’effets anticoncurrentiels réels ou potentiels. Cependant, la question de la preuve des effets d’une telle pratique semble encore susciter certaines difficultés au niveau national conduisant la Cour de justice de l’Union européenne à rappeler cette solution et, pour mettre un terme à toute hésitation, à établir un parallèle entre les articles 101 et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne à ce sujet.

L’affaire en présence oppose la société KIA Auto au Conseil letton de la concurrence. En l’espèce, cette société, seul importateur agréé de véhicules de marque KIA en Lettonie, est chargée de choisir les représentants agréés commercialisant et réparant ces véhicules.

Dans une décision du 7 août 2014, le Conseil letton de la concurrence, considérant que la société KIA Auto et ses représentants agréés « s’étaient accordés sur des conditions de garantie obligeant ou incitant les propriétaires de voitures, pour continuer à bénéficier de la garantie automobile, à faire effectuer auprès desdits représentants agréés, pendant la période de garantie, tous les entretiens périodiques prévus par le constructeur KIA et les réparations non couvertes par la garantie, ainsi qu’à utiliser des pièces de rechange d’origine KIA lors des entretiens périodiques et des réparations effectués pendant la période de garantie » (pt 6), a infligé une amende à celle-ci. Il a en effet estimé qu’une telle pratique était constitutive d’un accord restrictif de concurrence par effet, sans qu’il soit nécessaire de démontrer que les effets anticoncurrentiels se sont effectivement produits.

Un recours a été formé contre cette décision devant la Cour administrative régionale de Lettonie, mais cette dernière l’a rejeté dans un arrêt du 10 mars 2017. Un pourvoi en cassation a été formé devant le département des affaires administratives de la Cour suprême de Lettonie. Cette dernière a annulé l’arrêt du 10 mars 2017, considérant que, pour constater l’existence d’un accord restrictif de concurrence par effet, la Cour administrative régionale de Lettonie s’était fondée sur des critères d’évaluation inexacts. Elle a donc renvoyé les parties devant la cour administrative régionale afin que l’affaire soit rejugée.

La juridiction de renvoi, faisant valoir qu’en matière d’abus de position dominante, l’autorité examinant la pratique n’est pas tenue de démontrer l’existence d’effets réels mais uniquement potentiels, a décidé de sursoir à statuer et de demander à la Cour de justice, en...

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