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L’invocation douteuse du droit de l’UE pour justifier l’accès aux données de connexion dans le but de vérifier le respect d’un contrôle judiciaire

Par l’invocation directe d’une directive européenne, sans viser les fondements légaux nationaux, la chambre criminelle considère que les enquêteurs peuvent accéder aux données de connexion d’une personne mise en examen, pour des infractions relevant de la criminalité grave, afin de vérifier le respect de ses obligations de contrôle judiciaire. 

Dans le domaine pénal, les exigences entourant l’accès aux données de connexion apparaissent en pleine mutation et se façonnent sous l’influence du droit de l’Union européenne. L’arrêt de la chambre criminelle, en date du 22 octobre 2024, illustre parfaitement ce phénomène en se fondant sur la directive « vie privée et communications électroniques » (art. 15 de la dir. 2002/58/CE, telle que modifiée par la dir. 2009/136/CE).

Un individu fait l’objet d’une information judiciaire pour un meurtre qu’il aurait commis en bande organisée. Mis en examen, il est placé en détention provisoire le 8 avril 2022 (§ 2). Près d’un an après, il est remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire par la chambre de l’instruction (§ 3). Sur commission rogatoire, le 7 septembre 2023, les enquêteurs dressent un procès-verbal d’exploitation de ses données de téléphonie afin de vérifier le respect par l’intéressé des obligations de son contrôle judiciaire (§ 4). Or, la violation de ces dernières entraîne la révocation de la mesure et son placement en détention provisoire (§ 5). Le 13 décembre 2023, il demande l’annulation du procès-verbal d’étude de sa ligne téléphonique ainsi que des actes subséquents (§ 6).

La chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris refuse de faire droit à sa demande, dans un arrêt du 12 février 2024 (§ 7). Les réquisitions des données de connexion étaient limitées à une période strictement indispensable, ont exclusivement concerné les activités en lien avec l’infraction et demeuraient à la fois nécessaires et proportionnées à la poursuite de celle-ci (§ 10). Elles sont donc régulières. La personne mise en examen forme alors un pourvoi en cassation. Selon elle, les données de trafic et de localisation d’une personne, conservées pour des raisons de sécurité nationale, ne peuvent être utilisées en procédure pénale que pour lutter contre la criminalité grave. Ainsi, elles ne pouvaient pas servir à vérifier le respect, par le mis en examen, des obligations imposées dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Au soutien de sa prétention, il invoque le seul droit européen, à savoir, la directive relative à la vie privée et aux communications électroniques (Dir. 2002/58/CE, telle que modifiée par la dir. 2009/136/CE), des dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme et de la Charte des droits fondamentaux (§ 7).

La chambre criminelle doit alors se demander si les enquêteurs pouvaient accéder aux données de connexion d’une personne mise en examen, pour des infractions relevant de la criminalité grave, afin de vérifier le respect de ses obligations de contrôle judiciaire.

Par un arrêt particulièrement laconique, elle rejette le pourvoi et répond, avec assurance, par l’affirmative en se fondant exclusivement sur l’article 15 la directive relative à la vie privée et aux communications électroniques (préc.). Dès lors, la vérification du respect des obligations de contrôle judiciaire participe de la poursuite des infractions relevant de la criminalité grave comme l’exige le droit dérivé si les réquisitions « sont prononcées en raison des nécessités de l’instruction ou à titre...

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