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L’Ordre de Paris adopte des mesures contre les inégalités femme-homme dans la profession

La bâtonnière et le vice-bâtonnier de Paris, accompagnés de membres du conseil de l’Ordre, ont présenté, à la veille de la journée internationale du droit des femmes, une série de mesure et d’intentions visant à promouvoir l’égalité femme homme dans la profession.

par Julien Mucchiellile 8 mars 2018

Le barreau de Paris, lors de la séance du conseil de l’Ordre du mardi 6 mars, a pris nombre de délibérations au bénéfice d’une lutte contre les inégalités femme homme. L’une d’entre elles consacre le principe d’égalité dans les principes essentiels du règlement intérieur du barreau (RIN). « Ce sera le 17e principe essentiel, et cela permettra d’ajouter un fondement aux poursuites disciplinaires », a expliqué la bâtonnière Marie-Aimée Peyron, qui invite le Conseil national des barreaux (CNB) à porter ce principe au rang des principes essentiels dans le règlement intérieur national.

La bâtonnière a affirmé sa volonté de faire de la lutte pour l’égalité entre les sexes, une priorité de son mandat, débuté cette année. « Le constat au barreau est tel qu’il nous faut contribuer, par l’éducation et la prévention, à la lutte contres les discriminations » a t-elle énoncé. Elle a rappelé que les femmes, qui représentent 54 % du barreau, gagnent, en moyenne, 50 % moins. Cela s’explique notamment par le fait que seules 4 % des postes à grandes responsabilité (direction d’un département) leurs reviennent dans le secteur banque-finance, considérés comme prestigieux, et certainement les mieux payés. Et comme dans la magistrature, très peu de femmes ont accédé aux postes les plus élevés. Parmis les 118 bâtonniers de Paris depuis 1900, date à laquelle les femmes ont obtenu le droit d’exercer, Marie-Aimée Peyron est la 3e après Dominique de la Garanderie et Christiane Féral-Schuhl, actuellement président du Conseil national des barreaux.

En outre, l’Ordre entend lutter contre les situations de harcèlement, « le renforcement des sanctions des comportements déviants », explique Solenne Brugere, membre du conseil de l’Ordre, vice-présidente de la la Commission égalité et diversité. Cela implique des poursuites systématiques contre ces comportements (un seul cas de poursuites en 2017 pour harcèlement sexuel), l’interdiction pour les avocats reconnus coupables de tels faits de signer des conventions de stages, c’est-à-dire de recourir à des stagiaires (car ces situations de harcèlement connues sont souvent le fait de petits cabinets à associé unique, a t-il été expliqué).

Des « avocats volants » pendant les congés maternité

Puisque les cas de discriminations constatés le plus souvent se fondent sur une discrimination liée aux maternités des avocates, le barreau va mettre en place un « bataillon d’avocats remplaçants, des avocats volants qui remplaceront les femmes en congé maternité », dit le vice-bâtonnier Basile Ader, de manière à ce que l’activité du cabinet ne pâtisse pas de l’absence de l’avocate en congé, et que celle-ci retrouve sa place à son retour (700 congés maternité en 2017). L’Ordre espère aussi que cela aura un impact positif sur la carrière des avocates, qui sont 85 % à penser que la grossesse peut être un frein au développement de la carrière.

Il ressort à ce propos, dans une enquête sur la qualité de vie des avocats réalisée l’année dernière dans le cadre de la Commission égalité diversité de l’Association des Avocats Conseils d’Entreprise (ACE) en collaboration avec l’association Moms à la Barre, que 25,89 % des avocats (sur les 2 500 témoignages recueillis dans toute la France) disent avoir subi un harcèlement dans le cadre de leur travail, 28,2 % si l’on s’en rapporte aux seules avocates. Si la plupart de ces situations de harcèlement sont du harcèlement moral, il existe un chiffre noir de faits de harcèlements sexuels, non dénoncés, par craintes de compromettre l’évolution de sa carrière (v. Dalloz actualité, 11 janv. 2018, Enquête sur la qualité de vie des avocats : balance ton cabinet, par Valérie Duez-Ruff, Solenne Brugère et Emmanuel Raskin). À l’ordre et à l’EFB, des postes de « référents harcèlement » seront créés, ainsi que des « cabinets refuge », pour les stagiaires qu’il s’agira d’exfiltrer en cas de harcèlement, mais qui ont l’obligation de valider un stage pour obtenir leur diplôme.

Le barreau de Paris entend également, à ce sujet, faire de la prévention à plusieurs niveaux. À l’EFB, d’abord, une semaine de formation est prévue (« semaine de l’égalité »), mais également dans le cadre de la formation continue. Comme il est impossible de contraindre les cabinets à promouvoir l’égalité, un trophée de l’égalité sera lancé, qui récompensera les comportements allant dans ce sens. C’est aujourd’hui, journée internationale du droit des femmes, que le barreau exposera sa campagne de communication et de prévention pour promouvoir l’égalité femme homme.