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L’urgence climatique devant la Cour européenne des droits de l’homme : enjeux et perspectives à partir des audiences du 29 mars 2023

Alors que la Cour européenne tenait audience le 29 mars dernier dans deux affaires concernant l’urgence climatique, dont Carême c/ France, un tour d’horizon s’impose sur les enjeux conventionnels des requêtes en cours d’examen.

À ce jour, la Cour européenne ne s’est jamais prononcée sur les obligations des États parties en matière de climat. Depuis septembre 2022, elle a tenu un certain nombre de réunions de procédure relatives aux affaires pendantes en la matière : elle a décidé d’ajourner l’examen de plusieurs affaires de Chambre, en attendant que la grande chambre se prononce dans les trois affaires dont elle est actuellement saisie.

La France est concernée par deux de ces trois affaires au thème inédit. Si la jurisprudence environnementale de la Cour offre un premier repère pour construire ce raisonnement nouveau, de nombreux aspects, tout à fait spécifiques à la question climatique, sont source d’intenses réflexions, de débats, voire de pronostics.

Action populaire ou victime directe ?

La première question épineuse concerne la qualité de victime exigée par l’article 34 de la Convention pour pouvoir déposer une requête individuelle : le requérant doit démontrer avoir subi ou subir un préjudice qui lui est propre ; toute action populaire est interdite. Les audiences devant la grande chambre n’ont pas manqué de souligner cette difficulté, en particulier dans le cadre de l’affaire Carême. En effet, le réchauffement climatique étant un phénomène général, il a nécessairement un impact sur l’ensemble des personnes : comment, dans un tel contexte, faire état de la violation d’un droit individuel ? L’affaire Verein Klimaseniorinnen Schweiz et autres c/ Suisse, également examinée le 29 mars dernier, offre peut-être une perspective : identifier un préjudice spécifique pour resserrer le lien entre le requérant et l’impact du changement climatique. Dans cette affaire suisse, les requérantes soutiennent que le réchauffement climatique les affecte de manière particulière en tant que femmes de plus de 65 ans, créant ainsi un groupe à part au sein de la population générale. C’est également la voie qui est suivie dans la troisième affaire de grande chambre, qui devrait être audiencée à la rentrée : Duarte Agostinho et autres c/ Portugal et 32 autres pays (dont la France) portée par des enfants et jeunes adultes. Ces derniers font état à la fois d’une spécificité géographique – une région portugaise dans laquelle les feux de forêt se multiplient – et d’un jeune âge qui les fait dire qu’ils auront à subir plus longuement les effets du réchauffement climatique que le reste de la...

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