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L’usage ponctuel et conditionné d’une langue régionale dans un texte réglementaire

Un acte réglementaire pris par une personne morale de droit public doit nécessairement être rédigé en langue française mais peut contenir des mentions en langue régionale.

L’usage de langue par l’administration fait fréquemment débat, qu’il s’agisse de l’obligation d’employer, par les personnels de l’Éducation nationale, le prénom d’usage choisi par les élèves transgenres, des règles de féminisation dans la rédaction des actes réglementaires et individuels ou encore de la prescription faite à l’égard de certaines entreprises publiques de franciser leur dénomination sociale (v. TA Paris, 6 oct. 2022, n° 2006809).

Mais qu’en est-il des textes réglementaires qui intègrent des éléments issus de dialectes régionaux ?

En l’espèce, l’association Collectif pour la défense des loisirs verts introduit deux requêtes conjointes devant le Conseil d’État contre un décret approuvant la charte du parc naturel du mont Ventoux. Contrairement à ce que sa dénomination laisserait à penser, ce collectif défend l’utilisation d’engins motorisés dans le cadre des randonnées. Or, le décret contesté entendait précisément apporter des restrictions, dans l’enceinte du parc naturel, à la circulation des véhicules motorisés.

Le principal intérêt de cet arrêt de rejet porte sur deux moyens originaux de légalité interne soulevés par les requérants, qui vont retenir l’attention du Conseil d’État.

La régularité des dispositions d’une charte visant à promouvoir une langue régionale

En premier lieu, les requérants contestent la légalité de la charte du parc naturel régional du mont Ventoux, notamment en ce qu’elle prévoit « d’étudier la création d’un label langue provençale » et « d’organiser des manifestations bilingues » mais aussi d’inviter l’État « à accompagner les actions pédagogiques de nature à faire vivre et partager les patrimoines tels que l’enseignement de la langue provençale ».

Selon l’association, ces objectifs contreviendraient à l’objet même d’un parc naturel régional qui concourt, en application de l’article L. 333-1 du code de l’environnement, exclusivement « à la politique de protection de l’environnement, d’aménagement du territoire, de développement économique et social et d’éducation et de formation du public […] en faveur de la préservation des paysages et du patrimoine naturel et culturel ».

Cette notion de patrimoine culturel présente un intérêt particulier pour le législateur qui l’a intégré dès la première version de l’article (L. n° 93-24 du 8 janv. 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages et modifiant certaines dispositions législatives en matière d’enquêtes publiques) pour ensuite insérer un second paragraphe, en vertu duquel « un parc naturel régional peut être créé sur un territoire dont le patrimoine naturel et culturel ainsi que les paysages présentent un intérêt particulier » (L. n° 2016-1087 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages).

L’enjeu résidait alors sur le champ d’application que recouvre la notion de patrimoine culturel, qui n’était jusqu’alors pas définie. À cet égard, la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, vient introduire dans la Constitution un article 75-1, en vertu duquel...

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