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Article
Lacunes procédurales durant l’audition libre : examen de l’équité globale de la procédure
Lacunes procédurales durant l’audition libre : examen de l’équité globale de la procédure
L’absence du droit à l’assistance à un avocat ou à un interprète ainsi que le défaut de notification du droit de se taire durant une audition libre, qu’ils résultent d’une absence de prévision par la loi ou de sa violation, ne portent atteinte au droit au procès équitable que s’il en est résulté une atteinte irrémédiable à l’équité globale du procès.
par Sébastien Fucini, Maître de conférences, Aix-Marseille Universitéle 23 mai 2022
Par deux arrêts du 28 avril 2022, la Cour européenne des droits de l’homme a énoncé les conséquences entourant le non-respect de certaines garanties découlant de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, à savoir le droit à un avocat et à un interprète et la notification du droit de se taire, lors d’une audition libre. Elle reprend dans les deux arrêts la méthode qu’elle applique à l’absence d’assistance par un avocat durant la garde à vue. Il convient tout d’abord, quelle que soit l’origine de la restriction, de rechercher s’il existait des raisons impérieuses la justifiant. Qu’il existe ou non des raisons impérieuses, il convient ensuite de rechercher s’il y a eu atteinte à l’équité globale du procès, ce contrôle devant être plus strict en l’absence de raisons impérieuses. Dans la première espèce, où étaient en cause l’absence de droit à l’assistance par un avocat et un interprète et l’absence de notification du droit de se taire, la Cour a constaté la violation de l’article 6 de la Convention européenne. Dans la seconde espèce en revanche, où le droit de se taire n’avait pas été notifié et où le demandeur n’avait pas eu accès à un avocat, la Cour a affirmé qu’il n’y avait pas eu violation de la Convention, alors même que la condamnation s’était partiellement fondée sur les propos recueillis durant l’audition libre. La différence de solution dans ces deux cas résulte de l’appréciation de l’équité globale du procès, selon des critères qui apparaissent contestables et qui, sous couvert d’une jurisprudence constante, conduisent la Cour à admettre plus aisément le non-respect des garanties du droit au procès équitable durant la phase préparatoire du procès pénal.
Critères applicables en l’absence d’assistance par un avocat durant la garde à vue
Durant les années 2010, la jurisprudence de la Cour, qui avait été très stricte sur le droit à un avocat durant la garde à vue, a commencé à évoluer. Elle distinguait ainsi selon que l’absence d’assistance par un avocat résultait d’une disposition générale de la loi ou d’une restriction particulière. Dans le premier cas, cela emportait en soi violation de la Convention (CEDH 13 oct. 2009, Dayanan c. Turquie, n° 7377/03, § 33, Dalloz actualité, 2 nov. 2009, obs. M. Léna ; D. 2009. 2897 , note J.-F. Renucci ; AJ pénal 2010. 27 , étude C. Saas ; RSC 2010. 231, obs. D. Roets : « En soi, une telle restriction systématique sur la base des dispositions légales pertinentes suffit à conclure à un manquement aux exigences de l’article 6 de la Convention, nonobstant le fait que le requérant a gardé le silence au cours de sa garde à vue »). Dans le second cas, la restriction particulière apportée au droit à l’assistance par un avocat devait être justifiée par une raison impérieuse. En l’absence d’une telle justification, cela emportait violation de la Convention. En revanche, en présence d’une telle justification, encore fallait-il que l’équité globale de la procédure ait été respectée (CEDH 27 nov. 2008, Salduz c. Turquie, n° 36391/02, § 55, AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss ; 27 oct. 2011, Stojkovic c. France et Belgique, n° 25303/08, Dalloz actualité, 9 nov. 2011, obs. O. Bachelet ; AJ pénal 2012. 93 , note J.-R. Demarchi ; RSC 2012. 241, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD eur. 2012. 369, note E. Palvadeau ).
La Cour européenne des droits de l’homme a fait évoluer ces critères, pour les rendre moins stricts : dans un premier temps, elle s’est prononcée sur l’absence d’assistance par un avocat résultant de restrictions particulières. Elle a affirmé qu’il fallait examiner l’existence de raisons impérieuses. Mais l’absence de raisons impérieuses n’emporte pas violation de la...
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