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Lanceurs d’alerte : les apports de la directive pour une meilleure protection

Conseil, Commission et Parlement européens ont abouti à un compromis sur le projet de directive sur les lanceurs d’alerte. Un texte pour lequel le gouvernement et les eurodéputés français se sont beaucoup impliqués et opposés. Au final, le texte est en partie calé sur le droit français issu de la loi Sapin 2.

par Pierre Januelle 20 mars 2019

Il y a trois ans, les débats sur le projet de directive Secret des affaires avaient été vifs. Une future directive sur les lanceurs d’alerte avait été proposée comme une concession pour le Parlement européen. Le gouvernement français s’est beaucoup impliqué pour que la directive européenne soit calée sur le droit français issu de la loi Sapin 2. Il s’est opposé aux représentants des groupes, qui étaient le plus souvent des Français : Viriginie Rozière (Les radicaux de gauche pour les Socialistes), Geoffroy Didier (LR pour le PPE), Jean-Marie Cavada (ALDE) et Pascal Durand (Verts).

Après un long processus, la semaine dernière, Conseil, Commission et Parlement européens se sont finalement accordés sur un compromis. Ce texte a été adopté lundi à l’unanimité par la commission des affaires juridiques (JURI). Sauf surprise, il devrait être adopté par le Parlement européen, a priori sans amendement, lors de sa dernière séance plénière mi-avril.

Une directive qui va au-delà du droit français

La directive prévoit d’abord de mettre en place des dispositifs de recueil d’alerte dans les entreprises de plus de cinquante salariés ou les collectivités de plus de 10 000 habitants (les mêmes seuils que Sapin 2, v. Dalloz actualité, 25 avr. 2017, obs. M.-C. de Montecler isset(node/184526) ? node/184526 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>184526). Elle prévoit également de protéger les lanceurs d’alerte, à condition qu’ils respectent certaines règles. Contrairement à la loi Sapin 2 qui inclut les signalements sur les « menaces ou préjudices graves pour l’intérêt général », l’article premier du projet de directive se concentre sur les violations du droit dans les secteurs relevant du droit de l’Union européenne (marchés publics, services financiers, protection de l’environnement, sécurité sanitaire, santé publique, etc.). Toutefois, comme le permet la directive, les états devraient logiquement étendre cette protection à l’ensemble des violations d’une loi ou d’un règlement.

Comme dans le droit français, l’article 2 bis prévoit que le lanceur d’alerte devrait être de bonne foi, mais la condition d’agir de « manière désintéressée » n’est pas explicitement prévue par le projet. L’alerte interne, au sein d’une entreprise est encouragée. Toutefois, l’alerte à des autorités administratives ou judiciaires (externe) est facilitée par rapport au droit français, qui prévoit des critères plus stricts. Ce fut un point d’opposition important entre le Parlement européen et le Conseil, qui, à l’initiative de la France, souhaitait prioriser l’alerte interne. Enfin, troisième étage, l’alerte au public ne serait protégée qu’en cas d’absence de réaction des destinataires de l’alerte ou si le lanceur d’alerte a des éléments raisonnables de craindre une menace manifeste ou imminente à un intérêt public ou qu’il craint une collusion entre les autorités et son entreprise ou des représailles.

Le champ des personnes protégées est plus large que le droit français, puisqu’au-delà des travailleurs, seront protégées les actionnaires, les anciens travailleurs et les personnes travaillant pour des contractants, des sous-traitants et des fournisseurs. L’article 2 de la directive prévoit également de protéger un tiers ayant aidé ou étant lié au lanceur d’alerte (collègues, parents, etc.).

Les mesures de rétorsion interdites sont également plus larges car elles vont au-delà des questions entourant le contrat de travail et les sanctions disciplinaires. L’article 14 prévoit que serait sanctionné tout traitement injuste, intimidation, mise en cause de la réputation de la personne ou rupture anticipée de contrat avec un fournisseur. L’article 15 indique que la personne qui a respecté les procédures de signalement serait également protégée en cas de procédures judiciaires annexes comme la diffamation (v. Dalloz actualité, 29 nov. 2017, obs. D. Goetz isset(node/187909) ? node/187909 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>187909) ou l’atteinte au secret des affaires.

Enfin, l’article 14 prévoit que les États veilleront à ce que les lanceurs d’alerte aient accès à une assistance juridique et des conseils indépendants. Les États sont également invités à envisager de fournir un soutien financier et psychologique. Une mesure prévue initialement dans la loi Sapin 2, qui avait désigné le Défenseur des droits. Mais le Conseil constitutionnel avait censuré cet article, considérant que cela ne relevait pas de sa mission telle que prévue par la Constitution (v. Dalloz actualité, 16 juin 2016 isset(node/179581) ? node/179581 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>179581 et 13 déc. 2016 isset(node/182260) ? node/182260 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>182260, obs. M.-C. de Montecler).