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Legaltech (PLPJ 2018-2022) : ce qu’on sait des modalités de certification

Le Conseil national des barreaux (CNB) souhaite que seules les plateformes numériques proposées ou composées d’avocats soient certifiées, voire labellisées. De son côté, le ministère préconise un contrôle en laissant la liberté de choix aux utilisateurs.

par Thomas Coustetle 13 juillet 2018

Le projet de loi élargit le périmètre obligatoire en matière civile de l’amiable (conciliation, médiation, procédure participative) aux actions portant sur une créance en dessous d’un « certain montant fixé par décret », et les conflits de voisinage (art. 2). Aujourd’hui, le dispositif est encore timide et largement tributaire de ce qu’un juge peut proposer, au fond comme en en référé (v. Dalloz actualité, 13 déc. 2017, art. T. Coustet isset(node/188085) ? node/188085 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>188085). Et encore, il faut recueillir généralement l’assentiment des parties, à l’exception des litiges d’instance introduits par déclaration au greffe.

Lors de la présentation du Campus sur les Legaltech le 2 juillet dernier, Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB, estimait que seules les professions réglementées du droit, « en mesure d’apporter les garanties nécessaires aux justiciables », devraient être certifiées pour leurs futures plateformes de résolution des litiges. La présidente du CNB souhaite même aller plus loin et préconise d’instaurer une procédure de labellisation de l’ensemble des plateformes juridiques via un label intitulé « avocat inside ».

Les plateformes en ligne se développent à une cadence significative. Medicys a déjà été lancée par les huissiers, le portail national en ligne, lancé le 19 juin dernier par le CNB, e-just et d’autres viendront alimenter ce nouvel écosystème. La Chancellerie organisait même le 8 décembre dernier une journée spéciale de la legaltech. À l’horizon de la réforme, quelles sont les mesures de contrôle d’ores et déjà acquises pour assurer l’égal déploiement de ces plateformes et leur accès par le justiciable ?

Sur ce point, le projet de loi ne donne pas toutes les réponses. L’article 3 propose de « sécuriser le cadre juridique de l’offre » et surtout de la prestation automatisée. Si la gestion de son dossier se fait exclusivement selon « un algorithme, il doit en être informé et y consentir expressément ». Par ailleurs, pour l’article 4, « les services en ligne fournissant des prestations de conciliation, de médiation, ou d’arbitrage, peuvent faire l’objet d’une certification par un organisme accrédité ».

La Chancellerie a accepté de préciser ce qui est acquis concernant la procédure de contrôle. Les plateformes seront « labellisées » selon deux critères d’ores et déjà posés par la chancellerie : 

  • critère d’honorabilité touchant à la qualité du site. « La résolution amiable devra être réalisée par des professionnels qui ont les compétences requises pour conduire la médiation, comme les avocats, par exemple » ;
     
  • critère technique : « s’assurer le cas échéant de l’interconnexion entre le site de la plateforme qui doit répondre à un cahier des charges précis et Portalis, le logiciel du ministère, pour que nous puissions récupérer les pièces en cas d’échec de la procédure de médiation et pour engager la procédure contentieuse ».

La Chancellerie insiste : « encore une fois, les gens seront libres d’utiliser les plateformes qu’ils souhaitent. Mais nous souhaitons proposer une plateforme labellisée et de qualité ».

En revanche, la question du coût de la prestation peut d’ores et déjà se poser. Le tarif pratiqué varie inévitablement d’une prestation à une autre. En général, une médiation, activité libérale, peut aller de 400 à 14 000 €. Actuellement seule la conciliation est gratuite. Les conciliateurs verront leurs effectifs augmenter mais à hauteur de cent conciliateurs supplémentaires par an sur quatre ans.

Reste à voir effectivement de quelle manière ce préalable obligatoire sera articulé avec les impératifs de la jurisprudence européenne sur le droit au recours effectif. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) veille notamment à ce que le préalable amiable ne retarde pas de manière substantielle la saisine d’un juge et qu’il ne constitue pas une décision contraignante pour les parties (CJUE, 1re ch., 14 juin 2017, Menini et Rampanelli, aff. C-75/16, Dalloz actualité, 4 juill. 2017, obs. F. Mélin ; ibid. 2559, obs. T. Clay ; ibid. 2018. 583, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ).

Pour le syndicat de la magistrature qui vient de publier ses observations le 10 juillet dernier, ce mouvement d’ensemble aura pour conséquence « la fin de la gratuité de la justice au risque d’ériger des barrières pour les moins aisés et la fin de l’accessibilité pour les plus vulnérables ».