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Libre communication entre une personne mise en examen et son conseil

Le défaut de délivrance d’un permis de communiquer à chacun des avocats désignés par la personne mise en examen avant le débat contradictoire relatif à l’éventuelle prolongation de la détention provisoire fait nécessairement grief au mis en examen. 

par Lucile Priou-Alibertle 9 janvier 2018

En l’espèce, un troisième avocat avait été désigné par un mis en examen, le 20 mars 2017, dans le cadre d’une procédure d’instruction. Le 10 juillet 2017, lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, le permis de communiquer ne lui avait toujours pas été délivré. Appelant de l’ordonnance qui avait prolongé sa détention, le mis en examen arguait de l’irrégularité du débat contradictoire motif pris de l’absence de délivrance, avant ce débat, du permis de communiquer à ce troisième avocat. La chambre de l’instruction, pour rejeter ce moyen, soulignait qu’aucune atteinte aux droits de la défense n’était, en l’espèce, caractérisée dès lors que les dispositions des articles 115 et 145 du code de procédure pénale avaient été respectées, et ce d’autant plus que ce troisième avocat avait indiqué au juge des libertés et de la détention qu’il ne pourrait assister le mis en examen lors du débat contradictoire, étant retenu en un autre lieu.

La Cour de cassation casse l’arrêt critiqué, énonçant, dans un bel attendu de principe, qu’« en vertu du principe de la libre communication entre la personne mise en examen et son avocat, résultant de l’article 6, § 3, c), de la Convention européenne des droits de l’homme, la délivrance d’un permis de communiquer entre une personne détenue et son avocat est indispensable à l’exercice des droits de la défense ; qu’il en découle que le défaut de délivrance de cette autorisation à chacun des avocats désignés, avant un débat contradictoire tenu en vue de l’éventuelle prolongation de la détention provisoire, fait nécessairement grief à la personne mise en examen ». Aussi, constatant que la chambre de l’instruction n’avait pas relevé de circonstance insurmontable empêchant la délivrance de cette autorisation, la Cour de cassation casse l’arrêt.

On sait l’importance qu’accordent les juges de cassation au respect des droits de la défense, notamment lors du débat relatif à la prolongation de la détention provisoire. Ainsi, par exemple, la nullité de l’ordonnance du juge des libertés et de la détention devra être prononcée en cas de convocation irrégulière du conseil du mis en examen (Crim. 27 nov. 2012, n° 12-86.085, D. 2013. 15 ; 4 déc. 2007, n° 07-86.794, Bull. crim. n° 297 ; D. 2008. 356 ; ibid. 2757, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2008. 95, obs. S. Lavric ). Est également consacré un principe de libre communication du détenu avec son conseil (C. pr. pén., art. 116, al. 5) en application duquel le magistrat doit délivrer un permis de communiquer à l’avocat désigné et la personne mise en examen peut communiquer librement avec son avocat, verbalement ou par écrit sans que l’interdiction de communiquer puisse s’appliquer à l’avocat de la personne (C. pr. pén., art. 145-4 et D. 57-7-45 ; Rép. pén., Détention provisoire, par C. Guéry, n° 319).

La solution retenue en l’espèce n’a donc, en soi, rien de surprenant car elle est une simple application de ces principes. C’est, en revanche, à notre connaissance, la première fois qu’il est offerte à la Cour de cassation l’occasion de l’expliciter. La clarté de cette solution est donc heureuse, spécialement dans cette espèce où la pluralité d’avocats désignés avait conduit les juges du fond à écarter le moyen de nullité au mépris du respect de l’exercice concret des droits de la défense.