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Licenciement économique : l’expert-comptable doit désormais s’adresser au juge administratif

Le juge judiciaire n’est pas compétent pour statuer sur la demande d’un expert-comptable, désigné par le comité d’entreprise dans le cadre d’une procédure de licenciement collectif pour motif économique, tendant à la communication par l’employeur de documents et informations pour l’exercice de sa mission.

par Bertrand Inesle 14 mai 2018

Accusé d’inadaptation au monde des entreprises et d’inefficacité (F. Géa, Le droit du licenciement économique à l’épreuve de la sécurisation de l’emploi, Dr. soc. 2013. 210 ), le droit du licenciement pour motif économique a fini par céder aux attaques auxquelles il n’a jamais cessé d’être soumis. En partie, tout du moins. Car c’est dans le cadre restreint des « grands » licenciements et du processus qui entoure l’élaboration du plan de sauvegarde de l’emploi que le législateur aura œuvré pour opérer les changements les plus lourds : faculté de déterminer le contenu du plan soit par acte unilatéral de l’employeur soit par la conclusion, entre ce dernier et les organisations syndicales représentatives, d’un accord collectif, qui peut d’ailleurs aménager plus largement le déroulement de la procédure de licenciement (C. trav., art. L. 1233-21 à L. 1233-24-4) ; maintien de l’intervention, par le biais d’une information et d’une consultation, des institutions représentatives du personnel (C. trav., art. L. 1233-28 s.) et institution d’un dialogue entre l’employeur et l’administration mais également avec les organisations et institutions précitées (C. trav., art. L. 1233-57 et L. 1233-57-6) ; décision de l’administration à qui il revient in fine d’entériner l’acte unilatéral ou bilatéral – validation ou homologation – ou d’en refuser l’approbation (C. trav., art. L. 1233-57-1 à L. 1233-57-4 et L. 1233-57-7).

La mesure emblématique de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 aura donc consisté dans l’introduction – ou pour dire vrai la réintroduction – d’un tiers dans la procédure des licenciements collectifs pour motif économique, en la personne de l’autorité administrative (G. Couturier, Un nouveau droit des (grands) licenciements collectifs, Dr. soc. 2013. 814 ). Elle devait cependant irrémédiablement se traduire par l’éviction du juge judiciaire au profit de l’administration et, par voie de conséquence, du juge administratif en cas de contestation des décisions prises par celle-ci (sur la « déjudiciarisation » du droit du licenciement pour motif économique et la défiance à l’égard du juge judiciaire, v. F. Géa, préc. ; G. Couturier, préc.).

Mais, ainsi que cela a été souligné (F. Géa,préc. ; G. Couturier, préc. ; F. Géa, Les grands licenciements collectifs dans l’ordre administratif, RDT 2013. 261 ), cela n’allait pas sans susciter des difficultés quant au tracé des contours des compétences respectives des juges des deux ordres de juridictions. Quelles seraient les exactes limites matérielles et temporelles de leur intervention à la demande des acteurs de la procédure de licenciement pour motif économique ?

Serait-il encore possible de s’adresser au juge judiciaire, notamment par la voie du référé, lorsque la contestation se situe en dehors du temps et/ou de l’objet du contrôle de l’administration (G. Couturier, préc.) et de lui soumettre, par exemple, des questions relatives à la négociation ou à la consultation des représentants du personnel avant que l’administration ne soit saisie dans le cadre d’une procédure de validation ou d’homologation (F. Géa, Le droit du licenciement économique à l’épreuve de la sécurisation de l’emploi, préc.) ? Telles étaient les interrogations d’une partie de la doctrine qui était dès lors, comme d’ailleurs l’ensemble des acteurs de l’entreprise, dans l’attente de l’édification d’une jurisprudence de la Cour de cassation...

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