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La limitation de l’impact de l’annulation d’une convention collective par le juge

Saisie d’un pourvoi relatif à l’effet de l’annulation d’une convention collective par le juge, la Cour de cassation confirme l’applicabilité du nouvel article L. 2262-15 du code du travail à un accord antérieur à son entrée en vigueur et se prononce sur la justification d’une décision de non-rétroactivité.

par Julien Cortotle 29 janvier 2021

Afin de procéder à une sécurisation de la négociation collective (SSL, n° 1781, 11 sept. 2017), l’une des ordonnances dites « Macron » (ord. n° 2017-1385 du 22 sept. 2017) a ajouté plusieurs dispositions au sein du code du travail encadrant les actions en justice tendant à la contestation des normes négociées par les partenaires sociaux. Le délai pour agir en nullité d’une convention collective ou d’un accord collectif est désormais fixé à deux mois (C. trav., art. L. 2262-14), et l’article L. 2262-13 dispose que c’est à celui qui conteste la légalité d’une convention ou d’un accord collectif de démontrer sa non-conformité.

La sécurisation de l’instrument conventionnel passe également par l’aménagement des conséquences de son annulation par le juge. L’effet rétroactif de l’annulation peut s’avérer des plus complexes à gérer. Celui-ci a déjà conduit la Cour de cassation à considérer, par exemple, que les sommes perçues par les salariés au titre d’un accord annulé devaient être restituées à l’employeur (Soc. 17 avr. 2008, n° 07-41.401, D. 2008. 1486 ; RDT 2008. 611, obs. E. Peskine ), considérant qu’il s’agissait là de la « conséquence nécessaire de l’annulation de cet accord dont les salariés se sont prévalus au soutien de leurs demandes ».

L’article L. 2262-15 du code du travail prévoit dorénavant que le juge qui annule tout ou partie d’une convention ou d’un accord collectif « peut décider, s’il lui apparaît que l’effet rétroactif de cette annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, que l’annulation ne produira ses effets que pour l’avenir ou de moduler les effets de sa décision dans le temps, sous réserve des actions contentieuses déjà engagées à la date de sa décision sur le même fondement ». Cette possibilité n’est pas sans rappeler la position du Conseil d’État en matière d’annulation d’actes administratifs (CE 11 mai 2004, n° 255886, Lebon avec les concl. ; AJDA 2004. 1183 , chron. C. Landais et F. Lenica ; ibid. 1049, tribune J.-C. Bonichot ; ibid. 1219, étude F. Berguin ; ibid. 2014. 116, chron. J.-E. Schoettl ; D. 2004. 1499, et les obs. ; ibid. 1603, chron. B. Mathieu ; ibid. 2005. 26, obs. P.-L. Frier ; ibid. 2187, obs. C. Willmann, J.-M. Labouz, L. Gamet et V. Antoine-Lemaire ; Just. & cass. 2007. 15, étude J. Arrighi de Casanova ; Dr. soc. 2004. 762, étude P. Langlois ; ibid. 766, note X. Prétot ; RFDA 2004. 438, note J.-H. Stahl et A. Courrèges ; ibid. 454, concl. C. Devys ).

C’est de l’application de cette disposition nouvelle dont il est question dans l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation du 13 janvier 2021. La particularité de l’espèce, dans laquelle les juges du droit intervenaient dans le cadre d’un pourvoi suite à un renvoi après cassation, tenait en ce que les dispositions conventionnelles en cause, dont...

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