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Limitation du droit à indemnisation et droit de préférence de la victime créancière

Dans un arrêt rendu le 19 septembre 2024, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation rappelle sa position constante concernant la priorité laissée à la victime subrogeante, qui n’a été réglée que partiellement, par rapport aux tiers-payeurs quand celle-ci voit son droit à indemnisation réduit.

Les arrêts permettant d’explorer les subtilités de la subrogation personnelle sont toujours scrutés de près par la pratique du droit civil en raison de l’intérêt de ce type de recours. Ce mécanisme du régime général des obligations est, en effet, un outil indispensable pour le tiers dit « solvens » qui, ayant payé à la place d’autrui, doit pouvoir se désintéresser sur le débiteur qui supporte définitivement la dette. On peut évoquer, à ce titre, un arrêt de février 2022 sur la prescription applicable en la matière (Civ. 1re, 2 févr. 2022, n° 20-10.855 FS-B, Dalloz actualité, 11 févr. 2022, obs. C. Hélaine ; D. 2022. 643 , note T. Gérard ; RTD civ. 2022. 388, obs. H. Barbier ) ou encore une autre décision concernant la clause de déchéance du terme en avril dernier (Civ. 1re, 4 avr. 2024, n° 22-23.040 FS-B, Dalloz actualité, 22 avr. 2024, obs. C. Hélaine ; D. 2024. 678 ; RCJPP 2024. 34, obs. J.-D. Pellier ; RTD civ. 2024. 408, obs. H. Barbier ). Aujourd’hui, nous examinons un arrêt rendu le 19 septembre 2024 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation permettant de revenir sur la célèbre règle issue de l’article 1346-3 du code civil selon lequel la subrogation ne peut nuire au subrogeant (v. sur l’explication de cette règle en raison d’une conséquence du paiement, J. Flour, J.-L. Aubert, E. Savaux, L. Andreu et V. Forti, Droit civil – Les obligations, t. 3 : le rapport d’obligation, 10e éd., Dalloz, coll. « Université », 2022, p. 170, n° 149). La décision est promise à la fois aux honneurs du Bulletin et aux sélectives Lettres de chambres, ce qui témoigne d’un fort intérêt.

L’affaire ayant donné lieu au pourvoi commence par un accident de la circulation, le 10 septembre 2003, impliquant un véhicule et un cyclomoteur. La victime fait assigner la conductrice du véhicule impliqué et l’assureur de celle-ci devant le tribunal de grande instance pour indemniser son préjudice, en présence de la caisse primaire d’assurance maladie compétente ayant réglé une partie des frais médicaux. Un arrêt devenu irrévocable du 10 avril 2008 vient limiter le droit à indemnisation de la victime à 50 %. Ce point est fondamental pour la suite de l’analyse car c’est cette limitation du droit qui vient créer le problème soulevé par le pourvoi. Un nouveau procès s’ouvre concernant les sommes devant revenir définitivement à la victime qui n’a été réglée que partiellement. Une cour d’appel fixe cette somme à 14 857,27 € pour les dépenses de santé (en additionnant les frais pharmaceutiques et de pédicure restant à la charge de la victime et en divisant par deux en raison de la réduction de l’indemnisation) et à 54 262,78 € pour l’incidence professionnelle.

La victime forme un pourvoi contre cette décision en soulevant que le préjudice n’a pas été correctement évalué puisque les frais exposés par la caisse avaient été exclus par les juges du fond dans le calcul avant l’application de la limitation du droit à indemnisation. La deuxième chambre civile ne fait ici que rappeler une jurisprudence constante mais celle-ci divise la doctrine qui y voit un certain nombre de critiques légitimes. Nous évoquerons plus rapidement, en fin de commentaire, une question parfois épineuse sur les pouvoirs de la Cour de cassation concernant les rectifications d’erreur matérielle.

Solution constante, critiques constantes

L’arrêt du 19 septembre 2024 sonne tout d’abord...

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