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Localisation de l’autorité de la chose jugée ou admission de l’autorité positive de la chose jugée ?

L’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe.

L’arrêt rendu le 24 novembre 2022 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation revient sur l’autorité de la chose jugée des motifs décisifs ou motifs « qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif », autrement dit sur la « localisation de l’autorité de la chose jugée » (J. Héron, « Localisation de l’autorité de la chose jugée ou rejet de l’autorité positive de la chose jugée ? », in Mélanges R. Perrot, Dalloz, 1995, p. 131). Ceci, dans une circonstance un peu particulière puisque le chef de dispositif en cause, soutenu par des motifs ayant autorité de la chose jugée, est celui d’une décision répressive de relaxe.

Les faits sont (trop) classiques : un couple divorce et se déchire à propos de l’enfant issu de leur union. L’enfant ment à sa mère qui la croit et essaie d’empêcher le père de voir leur fille. Celui-ci agit en justice, d’abord au pénal.

Deux jugements d’un tribunal correctionnel condamnent la mère pour des faits de non-représentation d’enfant lors de deux périodes différentes. Les mêmes jugements la condamnent pour des faits de dénonciation calomnieuse commis, là encore, lors de deux périodes distinctes. Lors des deux procès, le père se constitue partie civile : le second jugement lui alloue des dommages-intérêts.

Dans les deux cas, la cour d’appel relaxe la mère et, dans le second, rejette la constitution de partie civile du père. La relaxe est motivée par « l’absence de preuve de sa connaissance de la fausseté des déclarations de l’enfant qu’elle [la mère] avait rapportées ».

Le père saisit alors un tribunal d’instance « afin d’obtenir réparation du préjudice moral, psychologique et affectif qu’il prétendait avoir subi du fait de la non-remise de l’enfant par [la mère] et des plaintes qu’elle avait déposées ».

Appel est interjeté contre le jugement du tribunal d’instance. La cour d’appel condamne la mère à payer au père des dommages-intérêts pour une période s’étalant sur les périodes sus-évoquées. Elle rejette la demande du père fondée sur une dénonciation téméraire, mais retient à la charge de la mère « une faute grave dont le père est en droit de réclamer réparation » : celle-ci réside dans « la multiplication par une mère de plaintes pour viols pour s’opposer à l’exercice du droit de visite et d’hébergement d’un père et obtenir leur suppression », « même si [admet la cour d’appel], les agissements de [la mère] n’ont pas été considérés par le juge pénal à deux reprises comme constituant les délits de non-représentation d’enfant et de dénonciation calomnieuse ».

La mère se pourvoit en cassation et la Cour de cassation casse, au visa des articles 1351, devenu 1355, et 1382, devenu 1240, du code civil, après avoir relevé d’office un moyen de pur droit (C. pr. civ., art. 620, al. 2, et art. 1015) ; elle renvoie devant une autre cour d’appel. La haute juridiction affirme que, « selon le premier de ces textes, l’autorité de la chose jugée au pénal s’étend aux motifs qui sont le soutien nécessaire du chef du dispositif prononçant la relaxe ». Après avoir rappelé les limites du droit à la liberté d’expression, elle explique en quoi consiste la « dénonciation téméraire constitutive d’un abus de la liberté d’expression » et le délit de dénonciation calomnieuse. La première est régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale ; la seconde par l’article 226-10 du code pénal. La première n’était pas constituée, ainsi que la cour d’appel l’avait elle-même admis. Pour être retenue, la seconde implique que l’auteur d’une dénonciation, auprès de...

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