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Location meublée touristique à Paris : qualification et sanction du changement d’usage

La définition modifiée de la destination « habitation » du plan local d’urbanisme de Paris est sans incidence sur l’application de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation ; les intermédiaires et les opérateurs de plateformes numériques n’encourent pas l’amende civile prévue par l’article L. 651-2 du même code.

Rendu à propos d’une banale affaire de location meublée touristique, l’arrêt du 9 novembre 2022 de la troisième chambre civile de la Cour de cassation, destiné à publication, présente le double intérêt, d’une part, d’illustrer la délicate articulation des notions d’usage et de destination et, d’autre part, de se prononcer sur la qualité de la personne redevable de l’amende sanctionnant un changement irrégulier d’usage (V., sur les enjeux juridiques des locations de courte durée, Recueil annuel des études de la Cour de cassation, Doc. fr. 2022, p. 29 ; v. aussi, G. Daudré et P. Wallut, Changements d’usage des locaux d’habitation – Les réformes de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, 3e éd., préf. H. Périnet-Marquet, LexisNexis, coll. « Droit & Professionnels », 2022).

Bref rappel des principes gouvernant la qualification de l’usage d’habitation

La détermination de l’usage d’un local, pour les besoins de l’application de la législation des changements d’usage codifiée aux articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation, obéit aux règles suivantes :

  • de principe, tout local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, étant précisé que cet usage, à cette date, peut être établi par tout mode de preuve ;
  • par exception, cette date de référence est écartée en application de l’article L. 631-7, alinéa 3, du code de la construction et de l’habitation qui dispose que « les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés » (la date de référence est également écartée pour les locaux qui ont fait l’objet soit d’une autorisation de changement d’usage ayant donné lieu à compensation, CCH, art. L. 631-7, al. 4 ; v. égal., s’agissant des autorisations antérieures au 10 juin 2005, Ord. n° 2005-655 du 8 juin 2005, art. 29, II, soit d’une déclaration d’affectation temporaire à l’habitation : CCH, art. L. 631-7-1 B ; v. encore, s’agissant des déclarations antérieures au 10 juin 2005, Ord. n° 2005-655 du 8 juin 2005, art. 29, III).

En toute hypothèse, « l’usage des locaux définis à l’article L. 631-7 n’est en aucun cas affecté par la prescription trentenaire prévue par l’article 2227 du code civil » (CCH, art. L. 631-7-1, al. 3).

Enfin, faut-il le rappeler, constitue un changement d’usage la location, à plus d’une reprise au cours d’une même année, d’un local meublé pour une durée inférieure à un an à une clientèle de passage (CCH, art. L. 631-7, al. 6 ; Civ. 3e, 18 févr. 2021, n° 17-26.156 P, AJDA 2021. 423 ; ibid. 1401 , note M. Raunet ; D. 2021. 425 ; ibid. 732 , note P. Bouathong ; ibid. 980, chron. A.-L. Collomp, V. Georget et L. Jariel ; ibid. 1048, obs. N. Damas ; AJDI 2021. 665 , obs. N. Damas ; Rev. prat. rec. 2021. 33, chron. D. Gantschnig ; JT 2021, n° 239, p. 11, obs. X. Delpech ), sauf si le local constitue la résidence principale du loueur (CCH, art. L. 631-7-1 A, al. 5).

La prise en compte d’un changement de destination autorisé après le 1er janvier 1970

La Cour de cassation a plusieurs fois jugé qu’un local est réputé à usage d’habitation s’il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970 et que l’usage qui a pu être fait du local postérieurement à cette date, à la suite de travaux non autorisés, est inopérant (Civ. 3e, 7 nov. 2019, n° 18-17.800, AJDI 2020. 206 , obs. G. Daudré ; ibid. 165, point de vue J.-L. Seynaeve ; 28 nov. 2019, n° 18-23.769 P, D. 2019. 2352 ; AJDI 2020. 206 , obs. G. Daudré ; ibid. 165, point de vue J.-L. Seynaeve ; Rev. prat. rec. 2020. 31, chron. D. Gantschnig ; 28 nov. 2019, n° 18-24.157 P, D. 2019. 2352 ; AJDI 2020. 206 , obs. G. Daudré ; ibid. 165, point de vue J.-L. Seynaeve ; Rev. prat. rec. 2020. 31, chron. D. Gantschnig ; 28 mai 2020, n° 18-26.366 P, D. 2020. 1174 ; ibid. 2021. 1048, obs. N. Damas ; AJDI 2021. 128 , obs. N. Damas ; Rev. prat. rec. 2021. 33, chron. D. Gantschnig ; 18 févr. 2021, n° 19-11.462 P, AJDA 2021. 423 ; D. 2021. 732 , note P. Bouathong ; ibid. 1048, obs. N. Damas ; AJDI 2021. 666 , obs. N. Damas ; Rev. prat. rec. 2021. 33, chron. D. Gantschnig ; JT 2021, n° 239, p. 11, obs. X. Delpech ).

C’est ainsi que l’usage d’habitation peut être établi par une procédure de permis de construire diligentée après le 1er janvier 1970, peu important « l’absence de production d’un certificat de conformité, dans la mesure où la loi vise l’usage pour lesquels les travaux ont été autorisés et non les conditions de leur réalisation effective » (Paris, 15 sept. 2022, n° 22/00263).

La solution a le mérite de la simplicité, bien qu’elle invite à raisonner par fiction et, in fine, à faire abstraction de l’utilisation empirique qui est faite du local après le 1er janvier 1970.

Elle s’appuie sur une lecture respectueuse du texte de l’article L. 631-7, alinéa 3, qui établit un lien, reconnu et même encouragé par la doctrine (RDI 2022. 8, obs. H. Périnet-Marquet ), entre changement d’usage et permis de construire.

La délivrance d’un permis de construire autorisant un changement de destination démontre, de manière objective, que l’usage du local a été modifié depuis la date de référence et que cette modification a été portée en son temps à la connaissance des autorités compétentes. Elle permet à tout le moins de présumer que le changement de destination a été opéré conformément aux règles d’urbanisme alors applicables ; elle permet surtout, par la portée réelle du permis de construire, d’attacher à l’immeuble l’usage résultant des travaux autorisés, et ce à titre définitif.

L’évolution de la définition de la destination pour laquelle les travaux ont été autorisés

Dans l’espèce jugée par la Cour de cassation le 9 novembre 2022, un permis de construire a été accordé par la mairie de Paris le 7 novembre 2001 pour des « travaux en vue du changement de destination d’un bâtiment de cinq étages plus deux combles à usage d’hôtel meublé en habitation (6 logements créés) avec conservation partielle d’un commerce à rez-de-chaussée et modification des façades ».

En se référant, comme cela était assez fréquent, à la fois au terme de destination et au terme d’usage, l’arrêté de permis de construire a sans doute créé une équivoque.

Mais cette ambigüité n’est pas à l’origine du litige. En effet, ainsi que l’a relevé la cour d’appel (Paris, 6 mai 2021, n° 20/18843), tant les plans du permis, que le procès-verbal de récolement et le certificat de conformité faisaient état de travaux réalisés en vue d’un changement de destination d’hôtel meublé en habitation, avec...

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