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Loi Badinter : implication en cas d’incendie provoqué par une flaque d’essence

Une motocyclette est impliquée dans un accident de la circulation, bien que rangée dans un garage, dès lors que l’incendie du véhicule puis de la maison était survenu du fait de la flaque d’essence qui s’était répandue sur le sol depuis les tuyaux de trop-plein de la motocyclette lors du remplissage de son réservoir, ce dont il résultait que ce véhicule avait joué un rôle dans l’accident au sens de l’article 1er de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985.

Afin de favoriser l’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation, la loi du 5 juillet 1985 a écarté toute recherche d’un lien de causalité entre le fait du véhicule terrestre à moteur et le dommage subi par la victime. Ceci est particulièrement visible en présence d’un accident complexe – c’est-à-dire dans lequel se succèdent plusieurs collisions (accidents en chaîne ou carambolages), lequel est désormais conçu de manière globalisée par la jurisprudence (Civ. 2e, 24 juin 1998, n° 96-20.575, RTD civ. 1998. 922, obs. P. Jourdain ) lorsque les évènements se sont déroulés dans un même laps de temps et dans un enchainement continu. Peu importe l’ordre des collisions : « Dans un accident complexe, tous les véhicules sont impliqués quel que soit le stade auquel ils sont intervenus et la victime est en droit de demander l’indemnisation de son préjudice au conducteur de l’un des véhicules impliqués dans cet accident même s’il n’a joué aucun rôle dans la séquence de l’accident subi par la victime, et même si celle-ci n’a pas été en contact avec ce véhicule » (Civ. 2e, 8 juill. 2021, n° 20-15.599 F-D ; v. encore, Civ. 2e, 15 déc. 2022, n° 21-11.423 FS-B, Dalloz actualité, 27 janv. 2023, obs. A. Cayol ; D. 2023. 7 ; ibid. 1142, obs. R. Bigot, A. Cayol, D. Noguéro et P. Pierre ; ibid. 2024. 34, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ).

Devant uniquement être établie par rapport à l’accident, et non par rapport au dommage, l’implication du véhicule diffère, en outre, de la recherche d’un lien causal. La notion d’implication est bien plus large. Il suffit que le véhicule soit « intervenu, de quelque manière que ce soit », lit-on souvent en jurisprudence, dans l’accident. En effet, « un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans un accident de la circulation dès lors qu’il a joué un rôle quelconque dans sa réalisation » (Civ. 1re, 29 mars 2018). Dès les travaux préparatoires, Robert Badinter avait précisé que « S’agissant du terme impliqué, il est volontairement large : c’est le fait qu’un véhicule terrestre à moteur soit intervenu à quelque titre que ce soit ou à quelque moment que ce soit […]. On ne devrait plus avoir à discuter du rôle causal ou non, actif ou passif du véhicule, pour déterminer le champ d’application du texte » (JO Sénat CR, 11 avr. 1985, p. 193).

Alors qu’on se prête cette année à fêter le quarantième anniversaire de la loi, le professeur Jourdain relevait cependant, il y a vingt ans déjà, qu’« on ne peut s’empêcher d’observer que le rôle que doit avoir joué le véhicule n’est autre qu’un rôle causal au sens de la théorie de la causalité de l’équivalence des conditions : il n’est nullement nécessaire que le véhicule ait eu un rôle « actif » dans l’accident, car une intervention passive pourrait suffire ; mais il doit au moins avoir eu une incidence sur l’accident, soit qu’il l’ait provoqué, soit qu’il en ait modifié le cours. Il doit donc avoir été l’une des causes de l’accident tel qu’il s’est déroulé, même s’il n’est pas une cause du dommage. Au cours de ces dernières années, la jurisprudence a eu tendance à faire une application...

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