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Loi « Climat et résilience » : aspect de droit pénal

La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 sur le limat et résilience a été promulguée le 24 août dernier au Journal officiel. Cette loi vient renforcer l’édifice répressif en droit pénal de l’environnement en renforçant les sanctions applicables et en consacrant de nouvelles infractions en cas d’atteinte à l’environnement. 

par Pauline Dufourqle 9 septembre 2021

La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (dite loi « Climat et résilience ») vient traduire une partie des 146 propositions formulées par la Convention citoyenne pour le climat (ou CCC), afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030, et conformément à l’objectif européen fixé.

Cette loi aux dimensions multiples comporte un volet pénal afin de renforcer l’édifice répressif en droit de l’environnement. Elle vient ainsi durcir l’échelle des peines existences et compléter l’arsenal judiciaire afin de prévenir et punir plus fermement et plus efficacement les atteintes à l’environnement.

La loi modifie, en premier lieu, l’article L. 173-3 du code de l’environnement et aggrave les peines applicables aux faits prévus aux articles L. 173-1 et L. 173-2 du même code lorsque ces faits entraînent des atteintes graves et durables à la santé, la flore, la faune ou la qualité de l’air, du sol ou de l’eau (art. 279 s. de la présente loi).

Au-delà, la loi vient créer un bureau d’enquête et d’analyse sur les risques industriels à l’image de ce qui existe également en matière aéronautique, ce bureau permettra de mener des enquêtes sur les causes et les conséquences des accidents les plus importants, à l’image de l’affaire du Lubrizol (art. 288 s. de la présente loi).

Parallèlement, un délit de mise en danger de l’environnement est créé à l’article L. 173-3-1 du code de l’environnement. Il résulte de cette disposition que les personnes ayant exposé l’environnement à un risque de dégradation durable de la faune, de la flore ou de l’eau seront passibles d’une amende de 250 000 € et de trois ans d’emprisonnement. Le montant de l’amende encourue pouvant être porté au triple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction. Cette infraction obstacle vient ainsi pénaliser les personnes adoptant un comportement dangereux bien que la pollution n’ait pas eu lieu.

Délit général de pollution des milieux et d’écocide

Parmi les principales innovations qui méritent une attention particulière, le législateur a créé un délit général de pollution des milieux et d’écocide.

Véritable serpent de mer, la consécration de l’écocide dans notre arsenal judiciaire a fait couler beaucoup d’encre. Mesure phare de la CCC qui souhaitait instaurer une infraction permettant de réprimer les atteintes les plus graves à l’environnement, en proposant d’intégrer la notion de crime d’écocide dans la loi sous la définition suivante : « constitue un crime, tout action ayant causé un dommage grave en participant au dépassement manifeste et non négligeable des limites planétaires, commise en connaissance des conséquences qui allaient en résulter et qui ne pouvaient être ignorées » (Convention citoyenne pour le climat, Légiférer sur le crime d’écocide). Une telle adoption était cependant critiquée par le Conseil d’État qui jugeait qu’un tel ajout concernait des faits déjà sanctionné et s’exposait en conséquence à un risque d’inconstitutionnalité (avis n° 401933 sur un projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et ses effets, séance du 4 févr. 2021 ; Cons. const. 28 juin 2013, n° 2013-328 QPC, Emmaüs Forbach (Assoc.), AJDA 2013. 1368 ; D. 2013. 1631 ; ibid. 2713, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et T. Potaszkin ; ibid. 2014. 2423, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et C. Ginestet ; AJ pénal 2013. 471, obs. P. Belloir ; Dr. soc. 2014. 137, chron. R. Salomon ; RSC 2013. 827, chron. ; ibid. 912, obs. B. de Lamy ).

Finalement la représentation nationale a préféré opter pour un délit général de pollution, dont les pénalités sont modulées en fonction de l’intentionnalité de l’auteur, et un délit « écocide » dont la définition a été remaniée.

C’est ainsi que l’article L. 231-1 du code de l’environnement réprime le fait, en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité, prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air, de jeter de déverser ou de laisser s’écouler dans les eaux superficielles ou souterraines ou dans les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou plusieurs substances dont l’action ou les réactions entrainent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’un million d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au quintuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Deux exceptions sont cependant prévues, cet article ne s’applique pas :

  • s’agissant des émissions dans l’air, qu’en cas de dépassement des valeurs limites d’émission fixées par décision de l’autorité administrative compétente ;
  • s’agissant des opérations de rejet autorisées et de l’utilisation de substances autorisées, qu’en cas de non-respect des prescriptions fixées par l’autorité administrative compétente.

L’article L. 231-2 du code de l’environnement réprime le fait d’abandonner, de déposer ou de faire déposer des déchets sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre, lorsqu’ils provoquent une dégradation substantielle de la faune et de la flore ou de la qualité de l’air, du sol ou de l’eau sont punis de trois d’emprisonnement et de 150 000 € d’amende.

L’article L. 231-3 du code de l’environnement vient quant à lui définir l’écocide.

C’est ainsi que constitue un écocide l’infraction prévue à l’article L. 231-1 du code de l’environnement lorsque les faits sont commis de manière intentionnelle. Constituent également un écocide les infractions prévues à l’article L. 231-2 commises de façon intentionnelle, lorsqu’elles entrainent des atteintes graves et durables à la santé, à la flore, à la faune ou à la qualité de l’air, du sol ou de l’eau.

Les sanctions sont portées à dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de la commission de l’infraction.

Parallèlement, le législateur vient préciser les contours de l’infraction en précisant le concept d’effet durable. C’est ainsi que sont considérés comme durables « les effets nuisibles sur la santé ou les dommages à la flore ou à la faune d’une durée d’au moins sept ans ».

Enfin, le point de départ du délai de prescription de l’action publique court à compter de la découverte du dommage. Ce point départ décalé permet de repousser la date de prescription dans un souci d’efficacité des poursuites.

À défaut de consécration de crime d’écocide dans cette nouvelle loi, il convient cependant de noter que l’article 296 précise que dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le gouvernement remettra au Parlement un rapport sur son action en faveur de la reconnaissance de l’écocide comme un crime pouvant être jugé par des juridictions pénales internationales.

Sur ce point, il est intéressant de noter que dès 1998, date de la fondation de la Cour pénale internationale (CPI), il avait été envisagé de reconnaître l’écocide comme un crime contre l’humanité (L. Neyret, Pour la reconnaissance du crime d’écocide, Rev. envir. 2014/HS01, vol. 39, p. 177 à 193). Aujourd’hui de telles atteintes sont jugées uniquement lorsqu’elles interviennent en temps de guerre. Actuellement une campagne internationale sous l’impulsion de l’association « Stop Écocide » plaide en faveur d’une telle reconnaissance en droit pénale internationale. Pour autant, une telle consécration porte en germe plusieurs limites structurelles, tout d’abord, la CPI dépend de la volonté de ses États membres si bien que seule une mobilisation générale permettra une telle reconnaissance. En effet, l’adoption d’un tel texte suppose un lourd processus législatif se traduisant en pratique par le dépôt d’un amendement d’un état membre, la communication à l’Assemblée des États partie de la proposition afin que la majorité des membres s’en saisissent, enfin l’adoption de l’amendement à la majorité des deux tiers des États parties (Statut de Rome). Ensuite, la CPI ne permet la poursuite que de personnes physiques et non des personnes morales ou des États, enfin si 123 États sont Parties au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, plusieurs États n’ont pas ratifié ce texte à l’instar des États-Unis (Cour pénale internationale, Mieux comprendre la Cour pénale internationale).

La reconnaissance de l’écocide comme crime contre l’humanité revêt une image hautement symbolique. Pour autant, ce choix mérite d’être éclairé par une dimension pratique et d’effectivité. En matière de droit pénal de l’environnement, la recherche de mesures de remise en l’état immédiate et de sanctions rapides et dissuasives doivent ainsi entrer en considération dans le cadre de ce débat, afin de prévenir et réprimer efficacement toute atteinte à l’environnement. Nos juridictions nationales ont un rôle primordial en la matière. L’adoption récente de la Convention judiciaire d’intérêt public environnementale avec la loi du 24 décembre 2020 jouera un rôle moteur pour sanctionner ces infractions (P. Dufourq, Loi du 24 décembre 2020 : l’essor de nouveaux instruments en matière de justice environnementale, Lexbase pénal n° 35, 25 févr. 2021).

 

Sur la loi « Climat », Dalloz actualité a également publié :

 

305 articles pour le climat, par Pierre Januel le 5 septembre 2021

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