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Article
Loi contre le séparatisme et contrats de la commande publique
Loi contre le séparatisme et contrats de la commande publique
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la république a été publiée au Journal officiel du 25 août. Analyse critique de ces dispositions relatives aux contrats de la commande publique.
par Sophie Lapisardi, avocat associé, spécialiste en droit public, Lapisardi Avocatsle 14 septembre 2021
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la république a un objectif ambitieux : apporter des réponses au repli communautaire et au développement de l’islamisme radical. Et pour le législateur, la garantie du respect des principes de la république et des exigences minimales de la vie en société (intitulé du Titre Ier de la loi) passe en premier lieu par les services publics et donc corrélativement par les contrats de la commande publique qui ont pour objet l’exécution d’un service public.
Même si les praticiens attendent une circulaire destinée à préciser ces mesures (note de la DAJ du 25 août 2021), nous pouvons d’ores et déjà percevoir les limites de cette loi et les problèmes d’interprétation qui pourront se poser.
Un périmètre d’application qui aurait pu être plus large et pourra donner lieu à interprétation
La loi (art. 1er, pt I) impose à tous les organismes de droit public ou de droit privé chargés directement de l’exécution d’un service public d’assurer l’égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Sont donc par exemple concernés les organismes de sécurité sociale (URSSAF, CPAM…) tous comme les sociétés HLM visées expressément par la loi.
Ces organismes doivent veiller à ce que non seulement leurs salariés respectent ces règles, mais également « toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l’exécution du service public » (art. I.1), autrement dit les titulaires de leurs contrats de la commande publique.
Au premier abord le périmètre paraît large et clair car il n’est pas fait de distinction entre Services publics administratifs (SPA) et Services publics industriels et commerciaux (SPIC). Et comme le service public vise un large domaine, cette loi pourra concerner des situations telles que la gestion d’une crèche, l’exploitation d’un casino, d’une piscine aqualudique etc. Mais les praticiens vont être confrontés à des questions d’interprétation.
En effet, le législateur n’a pas utilisé le terme « gestion » (gestion d’un service public) mais « exécution ». Il n’a pas non plus visé les concessions de service, les délégations de service public et les marchés de services.
Aussi, on peut légitimement se poser la question de savoir si la loi s’applique à des contrats de fournitures ou de travaux. Par exemple, si un acheteur public est chargé, dans le cadre de l’exécution d’une mission de service public, de réaliser des travaux, est-ce que les contrats conclus pour ces travaux entrent dans le périmètre de la loi ?
Par ailleurs, la loi aurait pu aller plus loin en visant d’autres contrats, pas seulement les contrats de la commande publique. Sont en effet exclus de ce périmètre des contrats telles que les conventions d’occupation du domaine public, qui permettent par exemple à des sociétés d’exploiter une activité commerciale dans un aéroport. Sont également exclus les baux emphytéotiques administratifs (BEA) qui peuvent par exemple permettre à une société d’occuper un stade pour y organiser des activités et manifestations sportives.
Enfin, le gouvernement aurait pu envisager de modifier les cahiers des clauses administratives générales (2021) publiés dernièrement pour ajouter directement ces clauses. Cette initiative aurait facilité et accéléré l’application de la loi pour les marchés publics.
De nouvelles obligations pour les titulaires de contrats de la commande publique
Le titulaire doit assurer l’égalité des usagers devant le service public et les principes de laïcité et de neutralité du service public.
Pour cela, la loi prévoit que le titulaire doit s’assurer que ses salariés et les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction qui participent à l’exécution du service public respectent ces principes. Ces derniers doivent s’abstenir « notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses ». Ils doivent également traiter de façon égale les personnes et respecter leur liberté de conscience et leur dignité. Il s’agit pour l’essentiel d’une reprise de la jurisprudence qui considère déjà que les principes de neutralité et de laïcité s’appliquent aux salariés des personnes morales de droit privé gérant un service public (Soc. 19 mars 2013, n° 12-11.690 P, AJDA 2013. 597 ; ibid. 1069 , note J.-D. Dreyfus ; D. 2013. 777 ; ibid. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; AJCT 2013. 306 ; Dr. soc. 2013. 388, étude E. Dockès ).
Et le législateur ne s’arrête pas là : les titulaires des contrats visés par la loi devront également veiller à ce que leurs sous-traitants ou sous-concessionnaires respectent également ces obligations.
De nouvelles clauses dans les futurs contrats et certains contrats en cours et des sanctions liées
Pour que ces obligations ne restent pas lettre morte, la loi prévoit deux obligations.
Les clauses du contrat de la commande publique devront rappeler ces obligations et préciser les modalités de contrôle du cocontractant. Pour réaliser ces contrôles, l’acheteur ou l’autorité concédante pourra demander la communication de notes internes mais aussi prévoir des contrôles inopinés dans les locaux.
De plus, le titulaire devra communiquer à son cocontractant les contrats de sous-traitance ou de sous-concession qui portent sur l’exécution de la mission de service public. Cette communication permettra à l’acheteur ou à l’autorité concédante de vérifier que les règles de neutralité et de laïcité sont prévues et contrôlées par son titulaire lui-même.
Et naturellement, la loi prévoit que les contrats de la commande publique devront prévoir des sanctions si son cocontractant « n’a pas pris les mesures adaptées pour les mettre en œuvre et faire cesser les manquements constatés » (Art. 1er II). Il pourra s’agir d’une pénalité dans un premier temps avec le cas échéant, une résiliation pour faute si la violation de ces principes persiste.
L’application dans le temps est la suivante :
- ces clauses doivent être intégrées dans tous les contrats concernés pour lesquels une consultation ou un avis de publicité est envoyé depuis le 25 août dernier.
-
pour les contrats en cours ou pour lesquels une consultation a été lancée avant le 25 août dernier, il faut distinguer deux situations :
- pour les contrats qui se terminent avant le 25 février 2023, ces clauses n’ont pas à être insérées ;
- our les contrats qui se terminent après le 25 février 2023, les acheteurs et autorités concédantes ont un an, jusqu’au 25 août 2022 pour intégrer ces clauses dans les contrats en cours.
Les principes sont posés et la rédaction de ces clauses ne devrait pas poser de difficultés. Reste la mise en place pratique qui se révèle toujours délicate quand il s’agit de questions de neutralité et de laïcité.
Sur la loi « Séparatisme », Dalloz actualité a également publié :
• Séparatisme : les principales dispositions de la loi, par Pierre Januel le 7 septembre 2021
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